La fronde sociale qui a secoué le Brésil en juin avec des manifestations massives se poursuit à moindre échelle, mais avec des groupes plus radicaux essentiellement à Rio et Sao Paulo, où les protestations débouchent immanquablement sur des violences.

Mercredi a Rio, une manifestation pour réclamer le départ du gouverneur de l'État de Rio de Janeiro, Sergio Cabral, s'est ainsi terminée par l'invasion de la mairie finalement dégagée à coups de matraques et de gaz lacrymogène par les forces de l'ordre.

Aux cris de «Dehors Cabral!», les quelque 700 manifestants, convoqués sur internet par un groupe anarchiste qui se réclame de l'idéologie Black Block, ont exigé l'ouverture d'une enquête pour corruption contre M. Cabral avant que 50 d'entre eux ne pénètrent dans les locaux municipaux.

La police, qui avait déployé quelque 400 hommes pour surveiller la manifestation, a alors bouclé les accès du bâtiment pour éviter que d'autres manifestants n'y entrent, avant de les dégager par la force.

Mardi soir, la police avait déjà dispersé à l'aide de gaz lacrymogène et de balles en caoutchouc une cinquantaine de manifestants violents qui venaient de s'attaquer à une agence bancaire et à une succursale automobile à Sao Paulo.

Ces violences sont survenues après une manifestation de 300 personnes organisée contre le gouverneur de Sao Paulo Gerardo Alckmin, lors de laquelle les manifestants entendaient également se montrer solidaires de leurs camarades de Rio, qui avaient protesté pour réclamer la destitution du gouverneur de cet État qu'ils jugent «corrompu et arrogant».

Les manifestants avaient également exigé la démilitarisation de la police d'État héritée de la dictature (1964-85) et aux méthodes contestées.

Vendredi soir à Sao Paulo, 10 agences bancaires avaient été saccagées pour les mêmes motifs et, pendant la visite du pape François à Rio, une manifestation le jour de son arrivée a dégénéré en violences alors qu'il rencontrait la présidente Dilma Rousseff au palais du gouvernement de Rio. Les manifestants protestaient contre les dépenses effectuées pour cette visite.

Ce jeudi, une autre manifestation doit se tenir dans la plus grande favela de la zone touristique de la ville, la Rocinha, où un maçon de 42 ans, Amarildo de Souza, a disparu depuis 15 jours après avoir été emmené par des policiers.

Le gouverneur de Rio, dont le taux de popularité a chuté à 12%, ce qui en fait le plus impopulaire du pays, a eu beau faire marche arrière sur de nombreux dossiers et un mea culpa sur son attitude arrogante, la fronde ne désenfle pas.

«C'est comme si c'était un petit feu qui reste allumé depuis les grandes manifestations de juin, jusqu'à ce que surgisse une nouvelle question capable de mobiliser de façon massive», explique à l'AFP Michel Misse, expert à l'Université fédérale de Rio (UFRJ).

Les thèmes forts des manifestations de juin qui ont fait descendre jusqu'à un million et demi de jeunes dans les rues étaient la hausse des coûts des transports, les dépenses excessives engagées pour l'organisation de la Coupe du monde de football de 2014 et la corruption en politique.

«Ce qui rassemble ces jeunes, c'est un rejet diffus des politiques conventionnelles. Mais aujourd'hui, les manifestations sont plus petites, avec surtout des jeunes universitaires mobilisés à Rio contre Cabral», déclare encore M. Misse.

Pour José Augusto Rodrigues, sociologue et professeur à l'Université de l'État de Rio (Uerj), «il y a une différence significative entre les manifestations de juin et celles qui persistent actuellement».

«Les manifestations d'aujourd'hui sont l'écho du malaise de la population envers les pouvoirs publics dans le pays, mais elles se réduisent à des secteurs radicalisés de la jeunesse», selon lui.

Pour les deux experts, tout ce qui arrive au Brésil «est nouveau, surprenant et difficile à interpréter».

«Ce climat de malaise par rapport à des problèmes récurrents comme la corruption n'est pas nouveau, mais c'est l'expression publique de tout cela qui est l'aspect nouveau et difficile à comprendre», explique M. Rodrigues.

Sur ces questions, l'avenir est difficile à prévoir selon eux, et on n'évaluera l'effet politique de ces protestations que lors des élections générales d'octobre 2014 (présidentielle, gouverneurs des 27 États, rénovation de la Chambre des députés et des deux tiers du Sénat).