Le gouvernement burundais a organisé samedi à travers le pays des manifestations pour dénoncer «les actes d'agression» du Rwanda et de son président Paul Kagame contre le Burundi, qui traverse une profonde crise depuis plus de neuf mois.

Depuis le début de la crise politique au Burundi, les relations se sont envenimées pour devenir délétères entre le Burundi et son voisin rwandais. Bujumbura accuse Kigali d'entraîner sur sol des réfugiés burundais pour déstabiliser le régime du président Pierre  Nkurunziza.

Le Rwanda rejette catégoriquement ces accusations - également portées par un groupe d'experts de l'ONU puis par les États-Unis - et rappelle à qui veut l'entendre que les causes de la crise sont internes au Burundi. Vendredi, Kigali a menacé d'envoyer les dizaines de milliers de réfugiés burundais présents sur son sol vers d'autres pays d'accueil.

À Bujumbura, entre 4000 manifestants, selon des journalistes présents sur place, et plus de 10 000 selon un des organisateurs ont arpenté les rues de la capitale burundaise samedi matin.

«Nous dénonçons Kagame et son plan de déstabilisation du Burundi et de toute la région des Grands Lacs» ou encore «Nous dénonçons le soutien du Rwanda aux criminels qui veulent déstabiliser le Burundi», pouvait-on lire sur des pancartes.

Les manifestants, qui marchaient en bon ordre, en chantant et en dansant, se sont arrêtés devant les bureaux de l'ambassade du Rwanda dans le centre-ville, où ils ont entonné des chants hostiles au gouvernement rwandais et hué le président Kagame pendant une dizaine de minutes.

«Nous sommes sur le champ de bataille, encouragez nos soldats; Kagame est un ennemi, nous allons le lessiver!», ont-ils chanté notamment.

Les manifestants étaient encadrés par des forces de sécurité lourdement armées et par un impressionnant service d'ordre assuré par la ligue des jeunes du parti au pouvoir, les Imbonerakure, qualifiée de «milice» par l'ONU.

Des centaines de personnes ont également manifesté à Gitega, la 2e ville du pays dans le centre du Burundi et environ 2000 dans le chef-lieu de Ngozi, la province natale du président Nkurunziza, selon des témoins.

«De l'huile sur le feu»

Le ministre burundais de l'Intérieur et de la Formation patriotique, Pascal Barandagiye, avait appelé les Burundais à participer «massivement» à des manifestations pour «la paix et la sécurité», dans un message télédiffusé vendredi soir.

Les manifestations étaient également organisées contre «ceux qui veulent nous pousser à négocier avec les putschistes».

Le Burundi est plongé dans une profonde crise politique depuis la candidature fin avril 2015 du président Pierre Nkurunziza à un troisième mandat, qu'il a obtenu en juillet. Plus de 400 personnes ont été tuées depuis le début de la crise, qui a poussé 240 000 personnes à l'exil.

Ni l'échec d'une tentative de coup d'État militaire en mai, ni une brutale répression de six semaines de manifestations à Bujumbura, n'ont pu enrayer l'intensification des violences - désormais armées - et l'organisation de mouvements rebelles embryonnaires déterminés à chasser M. Nkurunziza.

Les manifestations de samedi et le mot d'ordre lancé contre un dialogue avec l'opposition radicale au régime en place laissent difficilement augurer de progrès diplomatiques lors d'une prochaine visite de chefs d'État africains mandatés par l'Union africaine.

Ces derniers devraient se rendre dans la capitale burundaise avant la fin du mois tandis que le secrétaire général des Nations unies Ban ki-Moon y est attendu le 24 février.

«Bien sûr, le Rwanda s'est mêlé le premier des affaires burundaises, mais c'est clair désormais que Nkurunziza fait dans la surenchère: il met de l'huile sur le feu pour montrer qu'il fait face à une agression extérieure et non à une crise politique interne qui est en train de dégénérer en guerre civile», s'est «inquiété» à l'AFP un diplomate en poste au Burundi, sous couvert d'anonymat.

En attendant, les violences se poursuivent dans le pays. Deux hommes proches de la mouvance présidentielle ont été exécutés dans la nuit de vendredi à samedi par un groupe armé non identifié, dans le centre du pays.