Enbridge pourrait bientôt acheminer du pétrole de l'Ouest vers Montréal en inversant le flot de son pipeline, mais d'importants travaux sont nécessaires après la découverte de dizaines d'anomalies dans la ligne n° 9.

Enbridge prévoit faire cet été des dizaines d'excavations afin de vérifier des anomalies découvertes dans son pipeline 9B, qui traverse toute la couronne nord de Montréal.

«On a fait des inspections internes dans le conduit ce printemps et lorsqu'on voit des anomalies comme la corrosion ou des bosses ou des ouvertures, on programme une inspection visuelle», a expliqué à La Presse Éric Prud'Homme, directeur, Affaires publiques, Est du Canada, pour Enbridge.

«Si on prend la municipalité de Mirabel, celle où le pipeline a la plus longue emprise au Québec, on parle de 75 excavations, dit-il. On ne prend aucun risque.»

«Je trouve que 75 excavations, c'est beaucoup pour 20 km, remarque Jean Léger, un résidant de Mirabel. J'ai un puits artésien, alors je me sens directement concerné, même si ma maison est à 4 km du pipeline.»

L'entreprise affirme que ses travaux sont un signe qu'elle prend ses responsabilités. «On investit 800 millions pour l'entretien de l'ensemble de notre réseau en Amérique du Nord», affirme M. Prud'Homme.

Trois équipes totalisant 300 personnes seront déployées avant la fin du mois. Chaque excavation durera d'une à deux semaines.

«Soit on constate qu'il n'y a rien, soit on soude des nouvelles plaques sur le pipeline existant, soit on remplace un segment du pipeline au complet», explique M. Prud'Homme.

Pas de déversement

M. Prud'Homme nie par ailleurs que du pétrole se soit écoulé de son pipeline sur le terrain d'une pépinière de Saint-André-d'Argenteuil. «Dans ce cas précis, il n'y a aucun lien entre ce qui a été trouvé sur le terrain et les produits d'Enbridge, dit-il. C'est de la matière végétale en décomposition. Et sur place, il n'y a aucune odeur qui est associée normalement à un déversement de pétrole.»

«On a quand même fermé la ligne le 23 mai et on a rouvert le mardi suivant, le 28, quand on a eu la confirmation qu'il n'y avait pas de problème», dit-il.

Le ministre de l'Environnement, Yves-François Blanchet, a par ailleurs confirmé que ses services avaient enquêté à ce sujet et avaient conclu qu'il n'y avait pas eu de déversement ni de fuite.

Jeudi, un reportage de Radio-Canada faisait écho à ce qui était finalement une fausse alerte.

Des élus préoccupés

Mais l'incident a augmenté la prise de conscience chez les élus de la région, au sujet du projet d'Enbridge de renverser le flux de la ligne 9 afin d'acheminer du pétrole de l'Ouest vers Montréal.

Le pipeline traverse quatre MRC (Vaudreuil-Soulanges, Argenteuil, Thérèse-de-Blainville et Les Moulins) et deux villes qui ont le statut de MRC (Mirabel et Laval) avant d'atteindre le secteur des raffineries dans l'est de Montréal.

Les maires de la MRC d'Argenteuil doivent se réunir mercredi prochain afin d'adopter une position commune sur le projet de renversement.

«Nos professionnels ont participé à une soirée d'information avec Enbridge et ils préparent des mémoires, affirme Scott Pearce, maire de Gore et vice-préfet de la MRC. Pour moi, je n'ai rien contre Enbridge, mais la priorité dans la MRC est l'environnement et la sécurité publique.»

De son côté, le ministre Blanchet se veut rassurant sur les risques de fuites.

«Le fait que les oléoducs puissent avoir des épisodes de fuite, ce n'est pas nouveau. C'est invoqué régulièrement par les opposants. La question, c'est plutôt: est-ce qu'avec cela, et malgré cela, un oléoduc est la façon la plus sécuritaire de transporter le pétrole? Mon hypothèse, c'est que oui. Mais ce n'est pas à moi de faire la démonstration.»

- Avec Paul Journet

Pas de consultation cet été

Le ministre du Développement durable, de l'Environnement, de la Faune et des Parcs, Yves-François Blanchet, a promis, en entrevue avec La Presse, que la consultation sur l'inversion de l'oléoduc no 9 d'Enbridge ne se déroulera pas durant l'été, quand les environnementalistes sont moins mobilisés et que les médias sont moins attentifs. «La consultation ne se fera pas pendant que le gouvernement du Québec est essentiellement en vacances», a-t-il assuré. On ignore toutefois encore quelle forme de consultation choisira le gouvernement péquiste. La première ministre est favorable au projet, mais les environnementalistes s'y opposent farouchement. D'ailleurs, Greenpeace s'est réjoui hier que la consultation de Québec ne se déroule pas en plein été, mais insiste pour connaître rapidement les paramètres de cette consultation. Rappelons que le projet d'Enbridge est aussi soumis à une consultation de l'Office national de l'énergie (ONE), dont l'essentiel des audiences publiques se déroule en plein été. (Paul Journet, avec Charles Côté)