Le gouvernement de la Colombie-Britannique a annoncé hier qu'il s'opposait officiellement au projet de pipeline Northern Gateway, d'Enbridge, pour des raisons environnementales.

Cela ne manquera pas de relancer les débats sur tous les autres projets reliés à l'expansion des sables bitumineux, au Québec comme aux États-Unis.

C'est un dur coup pour toute l'industrie des sables bitumineux, qui affirme que son manque d'accès aux marchés internationaux coûte des milliards par année à l'économie canadienne.

Fraîchement réélue de justesse, la première ministre Christie Clark était considérée comme moins défavorable que son opposant néo-démocrate au projet de 6 milliards.

Mais selon le mémoire officiel déposé hier par le gouvernement provincial à la Commission d'examen conjoint du projet Northern Gateway, Enbridge n'a pas réussi à répondre à toutes les préoccupations environnementales que le projet soulève.

« (Ils) ont affirmé qu'ils mettraient en place des mesures efficaces en cas de déversement, a affirmé le ministre de l'Environnement Terry Lake dans un communiqué. Toutefois, ils n'ont pas réussi à prouver comment.»

En juillet 2012, la province a posé cinq conditions pour approuver le projet, dont deux visent les mesures d'intervention sur terre et en mer en cas de déversement.

La province exige aussi qu'Enbridge obtienne l'accord des groupes autochtones sur le tracé du pipeline, ce qui est loin d'être fait.

Enfin, la Colombie-Britannique veut une redevance qui «reflète le degré et la nature des risques que court la province», une exigence qui est considérée comme plusieurs spécialistes comme contraire à la Constitution canadienne.

Dans un communiqué hier soir, Janet Holder, première vice-présidente d'Enbridge, a affirmé que les cinq conditions ne pouvaient être remplies d'ici la fin des audiences devant la Commission d'examen conjoint. Elle a ajouté que sa société allait poursuivre ses efforts pour satisfaire les exigences du gouvernement de la province.

Compliquer la tâche

Malgré la prise de position du gouvernement Clark, la Commission d'examen, instituée par Ottawa, pourrait quand même donner son aval à Enbridge.

Et même si l'organisme refuse d'approuver le projet, le gouvernement Harper pourrait faire fi de sa décision en vertu d'une réforme des lois environnementales adoptée l'an dernier.

Mais la prise de position de la Colombie-Britannique complique la tâche d'Ottawa, estime Kathryn Harrison, professeure de sciences politiques à l'Université de la Colombie-Britannique (UBC).

«Même si la Commission approuve (le projet), ce sera difficile politiquement d'affronter les groupes autochtones et la province devant les tribunaux», dit-elle.

Appui renouvelé

Hier, le gouvernement Harper n'a pas manqué de renouveler son appui au projet. Le ministre des Ressources naturelles, Joe Oliver, maintient que l'expédition du pétrole dérivé des sables bitumineux vers de nouveaux marchés est «priorité critique» pour Ottawa.

«Nous avons été clairs: le développement des ressources naturelles ne recevra pas le feu vert à moins qu'il ne soit sécuritaire pour les Canadiens et sécuritaire pour l'environnement, a indiqué M. Oliver dans une déclaration écrite. C'est pourquoi, pour notre part, nous poursuivons nos plans d'augmenter la sécurité maritime et la sécurité des pipelines, et de dialoguer avec les Premières Nations sur l'infrastructure énergétique sur la côte Ouest.»

Enthousiame

La décision de la Colombie-Britannique a soulevé l'enthousiasme d'écologistes partout au pays et ailleurs.

«Une journée comme celle-ci, cela donne un sens à 50 ans de militantisme», a affirmé John Bennett, directeur général du Sierra Club Canada.

«C'est une très bonne nouvelle, a dit Steven Guilbault, d'Équiterre. Peut-être que cela va forcer l'Alberta et le fédéral à s'attaquer à la pollution de cette industrie au lieu de continuer de dépenser de l'argent en campagnes de relations publiques.»

«Cette décision démontre que le gouvernement du Québec doit faire ses devoirs, lui qui dit avoir un «a priori favorable» à l'inversion du pipeline d'Enbridge au Québec avant même que son évaluation environnementale ne soit complétée», affirme Patrick Bonin, de Greenpeace.

Impact aux États-Unis

La décision aura aussi un impact aux États-Unis, où le débat sur le projet Keystone XL continue de faire rage.

«Ce rejet de Northern Gateway par la Colombie-Britannique est un énorme coup contre ceux qui disent que le pétrole des sables bitumineux va s'en aller en Chine de toute manière si on ne construit pas le pipeline Keystone XL», a affirmé sur Twitter Jamie Henn, de l'organisme 350.org, un des principaux opposants au projet Keystone.

Les audiences publiques sur le projet Northen Gateway se terminent à la fin juin et la décision est attendue en décembre prochain.