Après des années de bataille autour du projet d'oléoduc Keystone XL entre le Canada et le Texas, des auditions publiques sont organisées jeudi dans la région au coeur de la controverse environnementale, le Nebraska, en plein centre des États-Unis.

Des centaines de personnes sont attendues dans la réserve naturelle des dunes de Sand Hills alors que le département d'État prépare sa recommandation au président Barack Obama sur ce chantier de 1897 km, évalué à 5,3 milliards de dollars (4 milliards d'euros). La diplomatie américaine est en effet chargée du dossier, le tracé traversant une frontière.

Aucune date n'a été annoncée pour la décision de Barack Obama. Celui-ci avait refusé de donner son feu vert à ce projet en janvier 2012, remettant toute décision à cette année afin de permettre la réalisation d'une étude sur l'impact écologique de l'oléoduc.

Or, en mars, le département d'État a conclu dans un rapport préliminaire que le nouveau tracé de Keystone XL proposé par la société TransCanada, qui évite Sand Hills, n'aurait pas d'impact majeur sur l'environnement.

Les écologistes et adversaires locaux du projet restent cependant intraitables.

«Nous pensons vraiment que nous pouvons arrêter l'oléoduc», dit à l'AFP Jane Kleeb, directrice de l'association Bold Nebraska. Mais la bataille est déjà à moitié perdue...

TransCanada dispose d'un réseau d'oléoducs reliant l'Alberta, au Canada, à l'Oklahoma (sud). À la fin de 2013, elle ouvrira un tronçon entre l'Oklahoma et le Texas, et disposera donc d'une ligne continue entre le Canada et le Texas.

La partie «Keystone XL» serait un raccourci entre le Canada et le Nebraska et permettrait à TransCanada d'augmenter significativement sa capacité totale, de 590 000 à 1,4 million de barils par jour.

«Une énergie sale»

Les intentions de Barack Obama restent mystérieuses, coincées entre la volonté d'approuver un énorme chantier créateur de milliers d'emplois et l'attachement promis à la défense de l'environnement.

«Il serait incohérent qu'une administration qui veut lutter contre le changement climatique déclenche une explosion de la production d'une des sources d'énergie les plus sales de la planète», estime Danielle Droitsch, de la grande ONG américaine Natural Resources Defense Council.

Contrairement au pétrole traditionnel, les sables bitumineux que transporte TransCanada doivent être déterrés et séparés à l'aide de vapeur d'eau à haute pression. Cette méthode émet 17% de gaz à effet de serre de plus que pour le pétrole brut moyen raffiné aux États-Unis, selon le département d'État.

Mais celui-ci a aussi conclu que l'ouverture de Keystone XL ne conduirait pas à une hausse des émissions de gaz à effet de serre, puisque les sables bitumineux canadiens seraient exportés dans tous les cas, aux États-Unis ou ailleurs.

Les écologistes s'inquiètent aussi des risques de pollution des nappes phréatiques en cas de fuite, notamment dans l'aquifère Ogallala, qui touche huit États.

«Il ne s'agit pas de pétrole conventionnel. C'est quelque chose qui coule dans l'eau», dit Danielle Droitsch, qui rappelle que la rivière Kalamazoo, dans le Michigan, reste polluée par une fuite de sables bitumineux en 2010.

Keystone XL sera équipé de 21 000 détecteurs qui enverront des informations toutes les cinq secondes et permettront de fermer des tronçons en cas de fuite, argue de son côté TransCanada.

«Les arguments en faveur de Keystone XL restent forts», affirme Shawn Howard, porte-parole de TransCanada, qui ajoute que 12 000 pages d'analyses avaient permis de répondre à toutes les questions sur les risques environnementaux du projet.

«Plus Keystone XL est retardé, plus les arguments en sa faveur se renforcent, dit-il, car les raffineries américaines qui ont besoin du produit que nous leur livrerons verront une partie de leur approvisionnement (en provenance du Mexique et du Venezuela) se réduire dans les prochaines années».