Il aura fallu la sortie des Janette pour me convaincre d'entrer dans le débat sur la Charte. J'aurais souhaité laisser aux jeunes le soin de dire dans quelle société ils veulent vivre, mais devant la violence qui s'exprime dans les propos des femmes de ma génération je ressens le besoin de dire que leur combat fut le mien, que tout ce qu'elles ont rejeté j'ai l'ai rejeté aussi et que rien dans ma vie n'est venu remettre en cause les choix que j'avais faits à 20 ans. Pour autant, je ne peux absolument pas m'associer à leur charge à fond contre les religions et contre les femmes voilées.

Il aura fallu la sortie des Janette pour me convaincre d'entrer dans le débat sur la Charte. J'aurais souhaité laisser aux jeunes le soin de dire dans quelle société ils veulent vivre, mais devant la violence qui s'exprime dans les propos des femmes de ma génération je ressens le besoin de dire que leur combat fut le mien, que tout ce qu'elles ont rejeté j'ai l'ai rejeté aussi et que rien dans ma vie n'est venu remettre en cause les choix que j'avais faits à 20 ans. Pour autant, je ne peux absolument pas m'associer à leur charge à fond contre les religions et contre les femmes voilées.

Depuis la Révolution tranquille, deux générations entières sont passées et des femmes venues d'ailleurs se sont installées ici, certaines avec des convictions très proches des nôtres, d'autres avec des convictions diamétralement opposées. Au nom de quoi aurions-nous, sur tout ce beau monde, un ascendant absolu? Notre vision du monde serait intrinsèquement supérieure? Ceux et celles qui n'y souscrivent pas seraient dans l'erreur? N'est-ce pas ce genre de dogmatisme qui nous faisait horreur à une époque? Hors de la nouvelle religion laïque, point de salut? Si nous nous étions vraiment affranchies de notre lourd passé, nous aurions, me semble-t-il, un peu plus de recul et un peu moins de passion.

De quoi avons-nous peur exactement? Nos acquis sont-ils à ce point fragiles que la seule évocation d'une appartenance religieuse est ressentie comme une menace existentielle? D'où vient cette insécurité face à la différence? Aurions-nous évacué la religion au point d'être devenues incapables de même appréhender le sentiment religieux? Pourtant ce sentiment existe encore et pas seulement chez les femmes voilées. C'est peut-être nous, au fond, qui nous voilons la face.

La cohésion future de notre société ne tient pas à la négation des différences. Elle réside plutôt dans la gestion de la diversité et personne, à ce chapitre, n'a le monopole de la sagesse. Il est cependant difficile de croire que ce qui dresse les individus les uns contre les autres et les communautés les unes contre les autres puisse constituer une base sur laquelle édifier quoi que ce soit.

Marie Bernard-Meunier, ex-ambassadrice du Canada.

Nous n'avons pas besoin de ça

La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse est d'avis que, pour assurer la laïcité et la neutralité des institutions publiques et l'égalité de droit entre les hommes et les femmes, le Québec n'a surtout pas besoin d'une «charte des valeurs québécoises» qui contreviendrait aux chartes existantes ou qui, sans fondement valable, serait amendée au moyen du recours à la disposition de dérogation inscrite dans la Charte canadienne des droits et libertés.

Le gouvernement du Québec ne pourrait donc pas congédier légalement une personne qui refuserait de ne pas porter de signe religieux pendant ses heures de service. Les conventions collectives en vigueur dans la fonction publique interdisent la contrainte, la violence ou la discrimination pour divers motifs, dont celui de la religion. Conséquemment, une personne qui contesterait par grief son congédiement pour avoir porté un signe religieux au travail serait en droit de s'attendre à ce que son syndicat fasse valoir ses droits de manière diligente et impartiale.

Selon la Commission, le projet du gouvernement péquiste ne passe pas le test juridique. Ce serait aussi l'avis du contentieux du ministère de la Justice du Québec, un avis que le ministre Bertrand St-Arnaud refuse de rendre public. Trois ex-premiers ministres péquistes ont proposé des compromis juridiquement viables. Les partis d'opposition, occupant une majorité de sièges à l'Assemblée nationale, ont aussi proposé des solutions parmi lesquelles certaines pourraient être conformes aux chartes canadienne et québécoise.

Malgré les obstacles juridiques évidents et l'intensification des tensions sociales, le ministre Bernard Drainville maintient le cap. Il est grand temps d'exiger du gouvernement que prévalent nos lois fondamentales, pleinement compétentes et suffisantes, et que la «gouvernance souverainiste» se cherche un autre chantier que celui d'exacerber l'hostilité interreligieuse à des fins électoralistes.

Gilles Dussault,

Président du Syndicat professionnelles et professionnels

du gouvernement du Québec de 2006 à 2012.