Depuis 2008, la revue Foreign Policy produit un classement des villes globales. Dans la dernière édition, Montréal se situe au 30e rang, loin derrière Toronto (au 16e rang), mais devant Vancouver qui ne figure pas parmi les 66 premières du classement. Notre ville côtoie Amsterdam, Melbourne et Copenhague.

Pour être qualifiée de «globale», une ville doit, d'une part, concentrer des fonctions économiques, politiques et culturelles de nature stratégique et, d'autre part, être interconnectée avec les autres villes globales, comme New York, Londres, Tokyo et Hong Kong.

Si Montréal a souffert du départ de nombreux sièges sociaux depuis les années 1960, elle a su se réinventer dans les secteurs émergents de l'économie, comme le numérique.

Politiquement, la ville souffre d'une déplorable réputation de corruption et de sa dépendance au gouvernement provincial, mais elle demeure le siège de quelques institutions d'envergure comme l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI), que nous avons failli perdre cette année. Montréal est aussi une destination attractive pour les rencontres internationales, grâce à ses quatre grandes universités et le Palais des congrès, une infrastructure à développer.

Culturellement, la scène musicale, la danse contemporaine, une cuisine inventive et le tourisme font d'elle un pôle important en Amérique du Nord, même si le financement des arts demeure famélique et l'architecture trop souvent négligée.

La population montréalaise est insérée dans les réseaux globaux. Chaque jour, 25 000 passagers «internationaux» transitent par l'aéroport de Montréal. Parmi eux, beaucoup d'étudiants: à HEC Montréal, par exemple, 34% des étudiants sont internationaux. Montréal est, pour reprendre l'expression de l'historien Fernand Braudel, une «ville monde», dont un tiers des habitants est né à l'étranger.

Si Montréal est toujours la métropole du Québec, elle est surtout devenue une porte sur le monde. Chaque année, plus de 350 nouveaux étudiants s'inscrivent dans les programmes d'études internationales affiliés au CÉRIUM. Ces étudiants se retrouvent ensuite à New York, Bruxelles, Dakar et Shanghai pour un échange, pour un stage... ou pour y faire leur vie. Lorsqu'ils reviennent à Montréal, leur regard est forcément plus cosmopolite.

À l'inverse, il n'est pas certain que les pouvoirs publics et les leaders d'opinion aient pris la mesure des effets de la mondialisation sur Montréal. Tout se passe comme si la place de Montréal dans le monde n'avait aucune importance, sauf dans quelques discours convenus. L'élection municipale du 3 novembre est l'occasion de corriger cet oubli.

Si les Québécois sont fiers du succès de nos nombreux festivals, du Cirque du Soleil, de Bombardier ou de CGI, ils semblent parfois craindre le corollaire de ce rayonnement à l'étranger: la concurrence internationale, l'usage pragmatique de l'anglais et l'accroissement des flux migratoires. Ces dynamiques se concentrent à Montréal, dont l'avenir dépend moins des politiques décidées à Québec que du dynamisme des multinationales qui y sont installées, de l'attractivité de ses universités et de l'initiative de ses immigrants.

Assumer notre statut de ville globale est plus que jamais nécessaire. Pour améliorer notre propre société, il faut apprendre à regarder ailleurs: analyser le système de santé allemand pour réformer le nôtre, observer l'expérience finlandaise pour transformer nos écoles, ou encore chercher à Tokyo un modèle de mobilité urbaine.

Pour se hisser dans le classement des villes globales, il est fondamental d'investir dans les infrastructures comme l'aéroport, les écoles, l'aménagement urbain et les transports publics; soutenir l'excellence en valorisant la recherche universitaire et les entreprises innovantes; et attirer les investissements étrangers par une administration plus transparente et ouverte qui ne craint pas la logique du marché.

Mais peut-être faut-il surtout commencer à accepter que Montréal n'est pas une île, que le Québec n'est pas son unique horizon, et que nous connaissons, apprécions et nous inspirons encore trop peu ce qui se passe au-delà de nos frontières.