Les taux de croissance vertigineux de plusieurs pays asiatiques ont accaparé l'attention et suscité l'envie. Leur rythme de croissance est souvent utilisé pour soutenir l'argument que le Canada devrait réorienter sa stratégie commerciale en redirigeant les efforts déployés vers les marchés américains et européens en faveur de l'Asie.

Cet argument est mal fondé, car il s'appuie sur les taux de croissance (des pourcentages) plutôt que sur l'importance en valeur absolue (des dollars) de nos échanges commerciaux. Pour le Canada, et le Québec, l'objectif ne doit pas être celui de remplacer nos partenaires économiques traditionnels - les États-Unis et l'Union européenne qui comptent pour plus de 80% de nos marchés d'exportation -, mais de reconnaître que le monde compte maintenant trois grandes régions d'un poids économique comparable. Cette montée en puissance de l'Asie nous interpelle.

Les exportations canadiennes sont dirigées à 75,8% vers les États-Unis, à 8% vers l'Union européenne et à environ 9% vers l'Asie. Les exportations internationales du Québec demeurent concentrées vers le marché américain et elles ne sont pas mieux diversifiées que celles de l'ensemble du Canada.

La composition des exportations canadiennes montre clairement l'importance du secteur manufacturier comme créateur de richesse. Compte tenu des besoins considérables des pays asiatiques en denrées, hydrocarbures, métaux et minéraux, on ne peut que s'étonner du peu d'importance des métaux et de l'absence d'hydrocarbure dans nos exportations vers l'Asie (et des hydrocarbures vers Europe). Cet état de fait découle dans une large mesure d'un manque de vision dans le développement de nos infrastructures, ici au Québec comme ailleurs au Canada.

Comparée à celle de nos principaux concurrents, la politique commerciale canadienne à l'égard de l'Asie a été déficiente. À ce jour, le Canada n'a conclu aucun accord de libre-échange avec un pays asiatique bien que trois de nos cinq principaux marchés d'exportation sont en Asie (Chine, Japon, Corée du Sud).

Cet isolement relatif du Canada, notamment en regard des économies émergentes en forte croissance et de nos marchés asiatiques traditionnels, est lourd de conséquences.

Depuis 2000, notre part du marché global des exportations s'effrite année après année (de 4,5% en 2000 à 2,7% en 2010). La performance du Québec est encore moins reluisante; entre 2007 et 2011, la valeur des exportations québécoises a décliné au rythme annuel moyen de 1,6% comparé à un gain annuel de 0,4% pour le reste du Canada (un écart de 2,0% par année).

La stratégie économique de la Chine s'est appuyée jusqu'à présent sur deux éléments moteurs: des investissements considérables dans les infrastructures et dans leurs appareils de production; et une orientation prononcée de la production vers les marchés d'exportation. Le dernier plan quinquennal de la Chine reconnaît l'urgence de réorienter le tir et de favoriser la consommation interne.

Cette réorientation entraîne des conséquences importantes pour les sociétés canadiennes. Premièrement, elle exigera désormais que nous soyons en mesure de concurrencer les sociétés des pays émergents asiatiques dans leur marché domestique. Plusieurs d'entre elles ont maintenant atteint une taille et un niveau de sophistication qui se comparent à ceux des sociétés occidentales dans le même secteur.

Deuxièmement, nos sociétés de services devront élargir leurs horizons. Pour ce faire, elles devront avoir un libre accès à ces marchés. Ce qui nous ramène à l'urgence de conclure des accords de libre-échange avec des pays dont le marché compte pour nous, y compris avec la Chine.