Les penseurs péquistes qui ont concocté la charte des valeurs québécoises ont oublié que la permanence de l'objet s'acquiert à l'âge de 2 ans. Vous pouvez faire disparaître tous les symboles dans l'espace de la fonction publique, vous pouvez interdire l'affichage des représentations idéologiques ou religieuses, il restera toujours des individus qui se présenteront au travail, pour le meilleur et pour le pire, avec leur bagage symbolique, culturel, idéologique et religieux.

Bref, l'habit ne fait pas le moine et le déshabiller ne le rend pas neutre!

On peut demander aux employés de l'État d'être le plus impartiaux possible, mais pouvons-nous désocialiser les fonctionnaires pour extraire leur passé familial, religieux, idéologique? Des tentatives en ce sens existent. Le modèle de l'organisation militaire repose sur la dépersonnalisation de ses membres au profit de l'unité du groupe. Dans d'autres organisations, l'imposition de l'uniforme vise aussi ce but.

Sans trop s'en rendre compte, c'est peut-être ce fantasme du pareil, de l'uniformité, qui anime les tenants de la disparition des signes religieux. C'est peut-être davantage la peur de la différence et de l'altérité, plus que l'obsession de neutralité, qui pousserait certains Québécois à appuyer la charte du PQ.

Dans les derniers jours, le débat a pris une nouvelle tangente. Nous sommes passés de la laïcité au port du hijab. Tout à coup au Québec, une multitude de gens ont des préoccupations et des connaissances sur le comment et le pourquoi du port du hijab.

D'un côté, le voile n'est que signe de soumission à l'ordre patriarcal, symbole de l'inégalité homme-femme ou instrument politique au service de groupuscules islamistes. De l'autre côté, on accorde aux femmes musulmanes des raisons culturelles ou identitaires au port du hijab.

Dans la réalité, la question est beaucoup plus complexe. Le port du hidjab dépend de contextes historiques, sociaux, et familiaux différents. Affirmer cela ne veut pas dire que l'on tombe dans le relativisme culturel et que l'on accepte les dérives liées à la violence, à la soumission ou aux atteintes à l'intégrité des femmes. Mais à cause de cette complexité, il est dangereux que l'on tente tout à coup, sous la pression de l'adoption d'une nouvelle charte, de régler la question du hijab.

Au Québec, les institutions politiques, la machine administrative et le système judiciaire reposent sur les principes de la laïcité. Où est donc le danger? Prétendre que le port, par des employés de l'État, du hijab, de la kippa ou du turban dans les CPE ou les cours d'école menace le caractère laïc du modèle québécois demande des justifications que le ministre Drainville est incapable de donner, car il n'y a justement pas de problème majeur.

Le PQ perd graduellement ses alliés syndicaux et intellectuels. À l'intérieur même de la mouvance souverainiste, la divergence d'opinions semble aussi de moins en moins tolérée. L'expulsion pour cause de dissidence idéologique de Maria Mourani par le Bloc québécois en est un exemple.

Après le référendum de 1995, le pari du PQ de rallier les communautés culturelles s'est estompé. Que reste-t-il alors, électoralement parlant? Un choix possible: viser parmi l'électorat francophone ceux à qui il est toujours facile et payant de faire peur. Ceux - et ils sont nombreux - que la «peur de disparaître», d'être «envahis», d'être «soumis» incite à demander constamment l'intervention du législateur pour les protéger.

Malheureusement, cette direction politique aura des effets négatifs. Elle provoquera des affrontements inutiles avec les communautés culturelles. Jouer sur la peur touche l'irrationnel, la démagogie et le populisme, et sur ce terrain rare sont ceux qui y gagnent à long terme.

En ce sens, le gouvernement Marois ressemble au précédent gouvernement Charest. Le «danger étudiant» comme appât électoral a été remplacé par le «danger des symboles religieux», mais la démagogie et le populisme sont toujours bien présents.