Le dévoilement du projet de charte des valeurs québécoises a suscité beaucoup de commentaires de la part de nos lecteurs, profondément divisés par l'initiative du gouvernement Marois. En voici quelques-uns.

Des valeurs négatives

La discussion sur des valeurs québécoises porte presque entièrement sur des valeurs négatives: des choses à ne pas faire, les signes religieux à ne pas porter. Est-ce parce que des valeurs positives ne sont pas importantes? La commission Charbonneau n'est pas un tribunal religieux. Pourtant elle a condamné la malhonnêteté, le mensonge, et le vol. Tant qu'à faire, on pourrait aussi mettre des valeurs positives comme l'honnêteté, et le respect de la propriété d'autrui sur la charte. Est-ce que ceux-là ne sont pas des valeurs québécoises? Une femme sur quatre subit de la violence, soit à la maison, soit dans la rue. Beaucoup de nos jeunes adolescents parlent des filles sans respect, et parfois avec mépris. Où affichons-nous des valeurs positives du respect pour les autres et pour les femmes? Est-ce que ceux-ci ne sont pas des valeurs québécoises? Nos épiceries utilisent de la styromousse et d'autres matières non recyclables pour emballer des fruits et des légumes. Est-ce que le respect de l'environnement n'est pas une valeur québécoise? Pourquoi ne pas mettre cela sur la charte? Ce qui est malheureux, c'est maintenant l'intolérance qui ressort de ce débat comme une valeur québécoise.

Joseph Emet, Pointe-Claire

Frileuse et ambiguë

Cette charte de la laïcité est à l'image des Québécois: frileuse, ambiguë, sans mordant et sans échine. Ce n'est pas compliqué, les Québécois veulent une charte qui interdit tout signe religieux (kippa, kirpan, foulard islamique, burqa, tchador, djellaba, turban, etc.) dans tout l'espace public québécois, pas seulement pour certains employés de l'État. L'État n'a rien à faire dans les résidences privées des citoyens, alors libre à tous d'y porter quelque signe religieux que ce soit, mais interdiction totale dans l'espace public. Notre génération a trop travaillé dur afin de se débarrasser des signes religieux catholiques pour devoir subir les signes religieux des autres.

Pierre Duquette, Preissac (Abitibi)

Déclaration de guerre

Je veux exprimer mon entière opposition à ce projet de charte qui rappelle les bonnes vieilles valeurs du PQ: les chicanes. Le Québécois ne veut pas entendre parler de laïcité de son État. Le Québécois veut savoir pourquoi ses impôts sont encore les plus élevés en Amérique, pourquoi ses taxes scolaires ont augmenté, pourquoi ses taxes foncières ont augmenté, pourquoi sa facture d'électricité a augmenté, pourquoi sa facture d'épicerie augmente, pourquoi il paye 200$ par année en taxe santé tout en attendant 18 heures pour voir un médecin, pourquoi il prend 1 h 30 pour faire la navette Montréal-Rive-Nord aux heures de pointe. Nous comptons sur les immigrants comme ils comptent sur nous. Ils sont essentiels pour la survie économique, culturelle et linguistique du Québec puisque nous devons lutter contre le déclin démographique. Avec cette charte, le Québec se sépare d'une expertise qui ne pourra être remplacée. Le Québec entier en sera affecté.

Julien Di Palma, Boisbriand

Non au voile

J'habite Outremont depuis des décennies et je sais combien le port ostentatoire d'habits religieux crée une barrière immédiate entre les concitoyens... C'est un des buts des hassidiques, me semble-t-il, afin de ne pas être contaminés par nos valeurs, qu'ils jugent inférieures aux leurs comme ils se plaisent à nous le redire régulièrement lors des séances du conseil municipal de mon arrondissement. Toute forme d'intégrisme religieux me hérisse, car je suis de la génération qui a travaillé à sortir le religieux de notre vie publique et privée. Et à titre de féministe, je ne peux accepter la vue de ces femmes et petites filles musulmanes voilées et habillées des pieds à la tête même par 30 degrés, alors que leurs frères et pères se promènent en short et tee-shirt... Alors, pour les fonctionnaires, enseignantes, infirmières, médecins, juges, non, absolument pas.

Anne Richard, Outremont

Religion d'État

L'athéisme d'État s'instituant en religion d'État en vient aux mêmes vices reprochés généralement aux églises: intransigeance sur la forme (le paraître, les symboles), dictature communautariste face aux valeurs marginales, attachement aux traditions, obéissance au dogme et destruction des idolâtres. Ici, ce n'est pas l'intransigeance de ceux qui ne peuvent souffrir de voir un signe religieux différent du leur qui est en cause, mais plutôt la hargne de ceux qui ne peuvent souffrir aucune référence religieuse. On est passé de l'anticléricalisme à la déophobie! Toute une histoire sur le paraître! Et puis les sondages prétendent que le PQ a l'appui populaire; autre preuve de démagogie? Ce n'est pas comme si on n'avait pas des choses plus importantes à régler, non?

Louis Prud'homme, Montréal

Une brèche béante

Deux points accrochent avec ce projet de charte des valeurs québécoises. D'abord, le droit de retrait, qui nous ramène aux principes des municipalités bilingues reconnus lors de l'adoption de la loi 101. Avec ce droit de retrait, une brèche béante va s'ouvrir. Les institutions anglophones, universités et hôpitaux, vont s'en prévaloir, repoussant pour une raison de plus les allophones vers ces institutions «plus tolérantes». Le deuxième point qui vient discréditer toute la démarche fort bien intentionnée du gouvernement est le maintien du crucifix à l'Assemblée nationale. S'il fait partie du patrimoine religieux, qu'il soit placé là où l'on range les objets du passé, dans un musée. D'ailleurs, il pourrait très bien être exposé dans le Parlement pour le plus grand plaisir des visiteurs.

Jacques Beaumier, Québec

La peur de l'autre

Ma mère, qui est d'origine franco-manitobaine, a été physiquement attaquée comme adolescente parce qu'elle parlait le français à un arrêt d'autobus à Winnipeg en 1950. On lui a dit «speak white» ! La nouvelle charte des valeurs proposée par le PQ démontre une intolérance presque identique: la seule différence est que la victime est voilée et que la violence vient de l'État. Est-ce qu'on est rendu à ce point comme peuple francophone qu'on a si peur de l'autre qu'on doit l'empêcher de travailler dans un CPE? Je suis québécoise et je ne vois pas mes valeurs là-dedans!

Karin Bjornson, Montréal

Visages humains

Ma mère vient de passer trois mois à l'hôpital. Deux des infirmières et une préposée portaient le foulard. Ces trois personnes étaient plus humaines que bien d'autres infirmières et préposées. En quoi le port d'un foulard les empêcherait de faire leur travail? Deux de mes quatre petits-enfants ont eu comme éducatrice des femmes portant le foulard. Ils n'ont jamais été traumatisés. Cette charte est purement électoraliste et ne résout aucun problème... car il n'y a pas de problème. Le seul critère devrait être: à visage découvert. Point final.

André Comtois, Beloeil

Catholiques, sortez vos croix !

Je n'ai jamais porté de croix, mais là je vais le faire! Par solidarité pour tous les Québécois qui se voient bafoués par cette honte nationale que nous fait subir ce gouvernement minoritaire. Citoyens du Québec, de quelque confession religieuse que vous soyez, sortez LE signe ostentatoire de votre religion et portez-le! Ne nous laissons pas imposer par ces «élus» les valeurs d'exclusion et tribalisme qui les animent. Montrons notre solidarité envers nos concitoyens d'origine, de coutumes, de culture et de religion autre que la nôtre.

Diane Villa, Sainte-Adèle

Au musée, le crucifix

Je suis estomaquée de voir que le gouvernement ainsi qu'une bonne partie de la population considèrent que le crucifix doit être conservé à l'Assemblée nationale pour cause «patrimoniale» ! Je constate à regret (encore!) que les Québécois ne connaissent pas leur histoire. Je suis contre le fait de conserver le crucifix à l'Assemblée nationale. Oui, il faut être juste pour tous: on a des institutions laïques complètement, pas seulement un peu. Sans la Révolution tranquille, nous ne serions pas le peuple moderne que nous sommes devenus. Le pouvoir religieux a maintenu les Québécois sous son joug et dans l'ignorance pendant plus de quatre siècles. Alors, ne me dites pas que le crucifix à l'Assemblée nationale est ce qui représente le mieux notre patrimoine et notre culture. La place du crucifix en tant que symbole religieux est à l'église. En tant qu'objet patrimonial, sa place est dans un musée.

Manon Leclerc, historienne