Le candidat à la mairie de Montréal Marcel Côté a peut-être commis une erreur plus grave qu'il ne le pense en décidant de se rendre en France pour un voyage mi-affaires, mi-vacances à quelques mois de l'échéance électorale montréalaise.

Il y a plusieurs années, Alain Giguère, le patron de la firme de sondage CROP, m'avait expliqué (en y mettant la preuve par 9) qu'en matière d'élections municipales, ce qu'on appelle aujourd'hui «le facteur de proximité» est plus que primordial. C'est à partir de rencontres directes avec les candidats aux postes de conseillers, et même à la mairie, que les citoyens se font une idée de ceux qu'ils vont élire. Ensuite vient la qualité de l'expérience vécue avec l'administration municipale en place.

Les meilleurs contenus, les campagnes publicitaires, les conférences de presse, l'affichage ou les rassemblements de force n'ont que peu d'importance dans la décision que prennent quelques centaines de milliers de citoyens tous les quatre ans.

On pourrait croire que cette règle de base de la politique municipale vaut surtout pour les candidats aux postes de conseillers, le maire élu au suffrage universel devant user de moyens plus génériques pour se faire connaître et apprécier. Même pas.

Pierre Bourque l'avait compris en 1993, un an avant l'échéance électorale, quand il avait commencé à rencontrer tout un réseau d'amis qu'il s'était forgé au fil des années à partir de son joyau symbolique qu'était le Jardin botanique et son nouveau bébé, le Biodôme. Aussitôt lancé dans l'arène électorale, à la faveur d'une crise qu'il avait fomenté contre l'administration Doré à propos de la dramatique intégration du «Saint Jardin» à une insensée société paramunicipale, M. Bourque était descendu dans la rue et y était resté pendant des mois. Il est devenu maire, on s'en souvient.

Denis Coderre, champion de la politique de proximité, fait en ce moment ce qu'il faut pour se faire élire. La bataille médiatique ne l'intéresse pas plus qu'il ne le faut, lui qui pourtant en fait habituellement son affaire. Les braderies, oui.

M. Coderre voit aussi au recrutement de candidats qui sont connectés directement à toutes les populations de Montréal, anglophones et francophones. Ce qui ne peut malheureusement pas être le cas pour le chef de Projet Montréal, Richard Bergeron, dont le sectarisme ne séduit que les candidatures plus érudites et, trop souvent, un peu «déconnectées». Quant à Mélanie Joly, le seul fait qu'elle ait choisi d'y aller d'engagements électoraux en plein mois de juillet laisse présager le pire.

Louise Harel est fortement enracinée dans sa communauté est-montréalaise. Marcel Côté en tirera certainement un avantage. Mais il ne pourra compter sur Vision Montréal pour le faire élire et récolter une majorité d'élus dans le tout Montréal. Victoires qui lui permettraient d'avoir les coudées franches. Car, peu importe que les partis municipaux n'aient pas la cote par les temps qui courent, il n'y a rien de mieux qu'un conseil municipal bien majoritaire et sans complication pour faire avancer une ville. Ça, c'est M. Drapeau qui l'avait compris, au prix toutefois d'une démocratie douteuse, en valeur d'aujourd'hui.

M. Côté, c'est déjà connu, pourra compter sur de brillants publicitaires pour espérer gagner en notoriété et crédibilité d'ici novembre. Mais aucun slogan ou stratégie de médias sociaux ne pourra être aussi efficace que les milliers de poignées de main que M. Côté aurait dû commencer à donner dans Parc-Extension plutôt qu'à Marseille.

Un jour, Jean-Paul L'Allier a dit de la politique municipale qu'elle était la Formule 1 de la politique: au niveau municipal, chaque secousse, la plus infime soit-elle, est ressentie directement par celui qui tient le volant. L'eau qui ne se rend plus au robinet, le parc dont la fontaine ne marche plus, la piscine dont on réduit les heures d'ouverture SONT la politique municipale. Et locataires comme propriétaires peuvent en mesurer l'importance facilement. Partant de là, ils veulent pouvoir être certains qu'ils pourront laisser savoir leur mécontentement (et quelques fois leur satisfaction) à qui de droit et en pleine face.

La politique municipale est affaire de «direct». Agir de façon distanciée, tant lors de campagnes électorales qu'au pouvoir, donne toujours de mauvais résultats. Alors messieurs et mesdames les candidats, à vos espadrilles!