En gestion de crise, le pire est toujours certain. Dans le cas de la tragédie de Lac-Mégantic, non seulement la communication de crise «classique» a été chancelante dès le début (réactivité déficiente de la Montreal, Maine&Atlantic Railway (MMA), barrière de la langue, décalage culturel, etc.) mais, sur le front des réseaux sociaux, la débâcle a été sans appel.

La nature a horreur du vide et, sur le Web, ce vide va être comblé pour le meilleur et pour le pire. Le meilleur, on le connait: des individus qui créent une page Facebook pour centraliser et partager les informations concernant des personnes que l'on recherche lors d'un drame comme celui que connait Lac-Mégantic. Le collaboratif dans ce qu'il a de plus réactif et efficace. Pour mémoire, certains réseaux comme Google mettent parfois à disposition du public des outils spécialement dédiés lors de catastrophes, comme en 2011 à Fukushima avec le portail Personfinder.

La beauté des réseaux sociaux est qu'ils permettent aux communautés de se prendre en main et de se fédérer autour d'un projet, sans nécessairement que cela soit fait par des experts. Cela peut aider à retrouver les siens en cas de catastrophe, ou faire pression sur une entreprise ou un gouvernement.

Mais le vide peut également être exploité par l'opportunisme de certains. Ouvrir un site Web pour solliciter de l'argent en surfant sur la solidarité et l'émotion du public, comme ce fut le cas en 2012 lors de l'ouragan Sandy aux États-Unis. Ou encore tenter de déstabiliser les présumés responsables d'une catastrophe.

Dimanche, quelqu'un a mis en ligne un site Web en langue française copiant trait pour trait le site officiel de MMA. Le nom de domaine lui-même est quasi-identique. L'ensemble du site est rédigé dans un français épouvantable et il n'a pas fallu longtemps pour que la confusion et la colère soient semées dans les médias sociaux. 

Après tout, MMA avait déjà fait la démonstration qu'elle ne savait pas communiquer avec la population francophone. Deux communiqués de presse mal traduits étaient là pour le rappeler. Au mépris, la perception d'amateurisme est venue s'ajouter.

Certains ont poussé la recherche un peu plus loin et ont découvert la fumisterie; le site Web allait jusqu'à proposer des offres d'emplois de conducteurs de train dont la seule compétence requise était de «savoir laisser un locomotive sans surveillance» ! 

Même les professionnels aguerris d'Influence communication se sont brièvement fait avoir en partageant l'info sur leur Facebook selon laquelle le site de MMA avait été piraté. Une source d'information crédible avec 7865 admirateurs Facebook et 28 275 followers sur Twitter. Imaginez la viralité de la nouvelle dans un monde 2.0 où la vérification est rare ou intervient trop tard.

Qui est derrière cette manoeuvre? Un citoyen mécontent? Une ONG? Un concurrent? Dans tous les cas, les dommages en termes de réputation sont graves pour MMA, une entreprise parmi tant d'autres qui n'était pas prête à affronter une crise sur le terrain du Web. 

Pas de présence Web, sans doute aucune veille sur internet, pas de personnel qualifié pour répondre rapidement sur les réseaux. La facture va être salée. Et ce ne sera pas qu'en termes de perception.