Cours hybrides, cours en ligne parfois gratuits et non crédités («Massive Open Online Courses» ou MOOC), Twitter et autres médias sociaux... La présence - certains diraient la menace - des technologies semble à la fois immense et incontournable. Que doit-on en penser?

Nous passons une grande partie de notre vie en ligne, à faire des achats ou des transactions bancaires, à regarder des films, à jouer et à communiquer. Mais devrions-nous aussi apprendre en ligne? Les technologies sont-elles une voie d'enrichissement pédagogique? Ou annoncent-elles l'apparition d'universités anonymes où plusieurs milliers d'étudiants ne rencontrent jamais leurs professeurs?

Plantons d'abord le décor: les technologies dans l'enseignement représentent un spectre de possibilités qui vont de l'utilisation de PowerPoint jusqu'à l'immersion virtuelle.

Les cours en ligne sont-ils efficaces? Une méta-analyse de 50 études menée en 2010 par le département de l'Éducation des États-Unis a révélé que les étudiants universitaires et les apprenants adultes qui suivaient de tels cours «obtenaient en moyenne des résultats légèrement supérieurs à ceux des étudiants effectuant le même apprentissage de manière traditionnelle.»

Les cours en ligne favorisent-ils l'isolement? La plainte la plus courante de nos professeurs concerne la participation trop grande de leurs étudiants aux blogues, discussions et échanges de courriels!

Les étudiants apprécient-ils ce type de cours? Près de 30 000 y sont inscrits à Concordia cette année, et plus de 36 000 l'étaient à l'Université Laval en 2010-2011. Plus de 200 programmes universitaires en ligne sont à présent offerts au Canada.

Cela dit, que les choses soient claires: les technologies ne constituent pas une fin, mais un moyen. Les cours en ligne offrent une plus grande accessibilité aux étudiants qui travaillent, qui sont parents ou qui habitent en région, et permettent une cohérence accrue dans les cours à plusieurs sections. Pourquoi cette accessibilité est-elle nécessaire? Une étude réalisée en 2012 pour le département de l'Éducation des États-Unis montre que 73% des étudiants universitaires de 1er cycle peuvent être qualifiés d'atypiques. Au Québec par exemple, plus de 70% des étudiants universitaires québécois travaillent tout en étudiant (le taux est de 40% au Canada). Un monde complexe demande des voies d'accès à l'éducation variées et multiples.

Mais plusieurs questions subsistent. Les technologies améliorent-elles la transmission et l'acquisition des connaissances? Offrent-elles une expérience universitaire enrichie tant pour l'étudiant que pour le professeur?

À l'Université Concordia, nous étudions l'impact des technologies pour apporter des réponses. L'usage des technologies dans l'enseignement universitaire nous oblige à évaluer et à remettre en question nos méthodes pédagogiques actuelles. Quelle est la valeur ajoutée d'un cours en ligne? En quoi un tel cours est-il plus approprié à certaines méthodes et à certaines disciplines? Comment un professeur peut-il utiliser les médias sociaux pour encourager ses étudiants à mieux écrire, réfléchir et comprendre? En soulevant la question de l'intérêt et de la participation de nos étudiants, les technologies nous invitent à faire de notre enseignement un objet d'étude, de réflexion et de positionnement.

Le but ultime de l'enseignement universitaire est l'amélioration de la société. Nous participons à la poussée humaine vers un monde qui tente d'être plus juste, plus humain et plus respectueux de son environnement en formant des femmes et des hommes qui disposeront des méthodes, des outils et des structures cognitives les plus efficaces et les plus perfectionnés pour y arriver. Les technologies peuvent nous permettre d'atteindre ce but.

Mais aucun d'entre nous n'oublie qu'au coeur de cette formation résident le professeur et l'étudiant. Pour qu'un cours soit réussi, l'un et l'autre doivent être à l'aise dans la dynamique créée. Certains favoriseront une utilisation extrême des technologies. D'autres préféreront le cours magistral et le tableau noir. Certains professeurs appliqueront le concept du cours inversé, où la salle de classe est utilisée pour débattre d'une information préalablement mise en ligne. D'autres twitteront avec leurs étudiants pendant le dépouillement d'un vote provincial ou fédéral.

Nous encourageons et célébrons cette richesse d'approches. Au professeur et à ses étudiants de choisir ce qui rend le cours plus passionnant afin de stimuler le développement du sens critique et de la créativité. L'application des technologies à l'enseignement peut d'ailleurs aller bien au-delà de l'apprentissage en ligne.

À Concordia par exemple, Jason Lewis, professeur et codirecteur du réseau de recherche Aboriginal Territories in Cyberspace («territoires autochtones dans le cyberespace»), a contribué à développer les habiletés critiques, mathématiques et langagières de jeunes membres de la communauté de Kahnawake en les aidant à mettre au point un jeu vidéo inspiré de leurs légendes.

L'éducation est un enjeu des plus complexes. Les technologies n'y apportent pas la solution miracle, mais permettent la multiplication des voies de transmission du savoir et d'accès à la connaissance et participent ainsi à une expansion du potentiel démocratique. Il est regrettable que le phénomène ait à peine été abordé lors du Sommet sur l'enseignement supérieur du gouvernement du Québec. Il est urgent que nous abordions de front ce phénomène. La forme que prendra l'université québécoise de demain en dépend.