Lorsque mon garçon a commencé à fréquenter un CPE, j'ai spontanément eu envie de faire partie du conseil d'administration de l'établissement. Pleine d'idées et de bonnes intentions, j'étais fière de pouvoir participer à cette belle organisation démocratique qui contribue à faire de mon garçon un « bon citoyen ».

Cependant, j'ai vite compris que le CA avait très peu de marge de manoeuvre pour mettre de l'avant de nouvelles idées. Comme 60% des CPE du réseau, nous vivons une situation de précarité financière. Pour éviter un déficit, qui aurait pu être fatal, notre CPE a dû revoir sévèrement son budget. Parmi les choix déchirants, nous avons coupé des journées de congé aux éducatrices, réduit le nombre d'heures de travail du cuisinier et diminué les services pédagogiques.

Malgré ces nombreux sacrifices, nous avons toujours de la difficulté à joindre les deux bouts. Cette année, nous prévoyons terminer notre année financière avec un déficit de 6000 $. En tant que parents administrateurs, il est très déchirant de réduire les conditions de travail de ceux qui voient quotidiennement aux besoins de nos enfants avec une énergie et un professionnalisme inestimables.

En novembre dernier, nous avons reçu la nouvelle de la création de 15 000 nouvelles places en CPE comme une bouée de sauvetage. Enfin la chance de se sortir la tête de l'eau! Je me suis alors engagée dans l'élaboration d'un projet d'agrandissement.

Toutefois, il y a deux semaines, la « bénévole en moi » a vu sa belle motivation partir en fumée. Les compressions annoncées aux subventions des groupes de 4-5 ans représentent, pour notre CPE, une somme annuelle de 33 000 $. Comment voulez-vous qu'on puisse administrer notre CPE convenablement alors que nous avons déjà appliqué un régime minceur très sévère? Même avec les subventions additionnelles associées à d'éventuelles nouvelles places, nous serions incapables d'équilibrer notre budget.

À la suite de l'annonce des compressions, l'éducatrice de mon garçon m'a confié qu'elle se sentait trahie et ne sentait pas la force de passer à travers un nouveau «régime minceur ». Devant son désarroi, j'ai ressenti une immense colère ! En colère pour tous ces enfants qui seront directement touchés par vos compressions; en colère pour toutes ces éducatrices qui se dévouent corps et âmes pour nos enfants; en colère pour tous ces parents administrateurs qui devront, inévitablement, porter l'odieux de votre décision.

Derrière ma colère, il y a également beaucoup d'incompréhension. Mme Marois, vous qui avez créé ce magnifique programme que sont les services de garde afin de favoriser le développement de l'enfance et de permettre aux parents de concilier plus facilement le travail et la famille, comment pouvez-vous envisager de ternir votre belle «oeuvre»?

Lors d'une entrevue à Bazzo.TV, vous avez expliqué qu'en préservant les finances publiques, vous vous assuriez de préserver ces programmes. Mon incompréhension est devenue totale, d'autant plus lorsque vous avez ajouté qu'il n'y avait pas de valeur plus importante que la solidarité et qu'il s'agissait d'une « valeur fondamentale » pour le Québec.

Mais de quelle solidarité parliez-vous au juste? Les compressions annoncées vont inévitablement amener de lourdes réductions de services et risquent même d'être fatales pour les petits CPE comme le nôtre. Est-ce vraiment « solidaire » de demander à des milliers de parents administrateurs de contribuer au sentiment de trahison ainsi qu'à l'épuisement de ceux qui s'occupent des personnes qui nous sont le plus chères au monde?

Mme Marois, je vous demande d'être véritablement solidaire envers les employés des services de garde ainsi que des milliers d'enfants et de parents qui bénéficient de ces services et d'annuler les compressions de 56 millions prévues dans le réseau. Votre magnifique projet ne mérite vraiment pas le sort que vous lui réservez aujourd'hui, 16 ans après sa création!