En désavouant publiquement l'ex-directeur général de la Ville de Montréal, Guy Hébert, le cabinet du ministre de la Sécurité publique a rompu le secret qui entoure les échanges de communication entre les hauts fonctionnaires et le gouvernement au plus haut niveau de l'État.

Dans notre système de gouvernement responsable, le ministre a la responsabilité de protéger le caractère confidentiel de l'information qui lui est fournie par les mandarins de l'État. En retour de cette protection, hauts fonctionnaires et politiciens peuvent se parler franchement, brutalement, «dans le blanc des yeux», sans crainte de voir leurs propos politisés sur la place publique.

À la Sécurité publique, il serait étonnant que le ministre ne soit pas régulièrement exposé à de l'information de nature souvent douteuse sur le plan éthique et moral. Pourtant, cette information est gardée secrète par le ministre la plupart du temps.

Mais dans le cas de l'ex-DG de Montréal, le ministre Stéphane Bergeron a vraisemblablement pensé que Guy Hébert avait posé un geste à ce point répréhensible en niant avoir demandé la démission du chef de police, qu'il a cru bon le contredire publiquement. C'est ainsi que l'attaché de presse du ministre indiquait que «Guy Hébert avait appelé le sous-ministre et demandé le remplacement de Marc Parent».

L'ambiguïté, dit-on, est un élément clé de la politique. Guy Hébert n'est certainement pas le premier haut dirigeant à dire des choses en public qui sont différentes des choses dites en privé. Comment décider que ces doubles discours deviennent des mensonges qui doivent être contredits? Comment le cabinet du ministre trace-t-il la ligne éthique entre une réalité déformée qu'il garde secrète, et une autre qu'il dénonce publiquement?

En disant que l'ex-DG de la Ville avait demandé le «remplacement» de Marc Parent, le cabinet du ministre a divulgué à la fois trop et pas assez d'information. Trop, parce que le ministre a brisé son obligation de protéger la confidentialité des propos tenus par les hauts fonctionnaires dans l'exercice de leurs fonctions. Et pas assez, parce que l'information dévoilée est insuffisante et ne permet pas à l'opinion publique de se faire sa propre idée sur l'éthique de Guy Hébert.

Ce dernier voulait-il déplacer le chef de police pour se défaire d'une enquête embarrassante sur l'octroi de contrats publics? Ou voulait-il parler des problèmes de gérance et d'intendance de la Ville qui se bute aux résistances du Service de police dans ses tentatives de rationaliser la gestion des ressources humaines? Dans le premier cas, il ne fait aucun doute que le bureau du ministre était justifié d'intervenir comme il l'a fait. Mais dans le second, le problème éthique est moins clair et l'intervention du cabinet du ministre demande des explications plus substantielles que celles fournies jusqu'à présent.

Mardi, le ministre a dit des propos de Guy Hébert lors de la conversation avec son sous-ministre qu'ils étaient «relativement vagues» et que l'ex-DG n'avait pas «demandé directement le remplacement» du chef de police, mais que les «discussions étaient à l'effet d'examiner les possibilités ou les conditions d'un éventuel remplacement».

Rien dans tout ceci ne constitue une preuve claire d'ingérence de la part de Guy Hébert. Le DG est responsable de l'efficacité de gestion des services rendus par la ville. Il a, à ce titre, un intérêt institutionnel légitime dans l'administration du SPVM. Parler de «remplacement» dans ce contexte n'est pas anormal étant donné que le mandat du chef Parent arrive à terme dans quelques mois.

En causant le départ de Guy Hébert, le ministre de la Sécurité publique a ouvert une brèche dans les conventions. Il doit maintenant fournir au public plus d'information sur les circonstances et la nature des propos tenus par l'ex-DG de Montréal.