Si la politique étrangère est généralement un facteur négligeable dans une campagne présidentielle américaine - en particulier celle-ci, en raison de l'importance des enjeux économiques -, elle peut néanmoins permettre aux électeurs de mieux départager les candidats lors d'une élection serrée. C'est pourquoi le débat de ce soir, sur les questions de politique étrangère, pourrait faire une différence, alors que les sondages donnent Barack Obama et Mitt Romney à peu près à égalité.

Or, il semble que les positions des deux candidats sur les principaux enjeux ne soient pas si marquées qu'on pourrait le croire.

Par exemple, Obama et Romney sont d'accord pour retirer les troupes américaines d'Afghanistan d'ici la fin de 2014, la différence étant le rythme auquel ces retraits seraient effectués.

Même chose concernant le budget de la défense, puisque les deux candidats souhaitent diminuer le pourcentage du PIB consacré à ce domaine: Obama vise 3 %, alors que Romney parle de 4 % (il est actuellement de 5,5 %).

Quant à la Chine, les deux candidats reconnaissent l'importance de ce pays pour le commerce américain et malgré le discours agressif de Romney - qui dénonce les manipulations monétaires de la Chine et la pratique du piratage des brevets -, le républicain sait pertinemment qu'il est impératif pour les États-Unis d'épargner la susceptibilité chinoise.

Même le sujet délicat de l'Iran ne permet pas de séparer de manière très nette Obama et Romney: bien que ce dernier affirme qu'il ne tolérerait pas que l'Iran développe des capacités nucléaires et qu'il menace d'utiliser la force pour l'en empêcher, Romney sait qu'une guerre américaine en Iran n'est pas possible dans l'immédiat, à la fois pour des raisons économiques, électorales et diplomatiques.

Au final, les différences entre Obama et Romney en matière de politique étrangère doivent surtout être mises sur le compte de l'attitude, parce que sur le fond, elles sont plutôt subtiles.

Lors du débat, les candidats tenteront de démontrer que leurs visions du monde sont diamétralement opposées, mais il ne faut pas oublier l'importance de faire la part des choses entre la rhétorique partisane et électoraliste, et ce que le prochain président devra effectivement faire pour maintenir les acquis de la puissance américaine - par ailleurs en déclin.

En effet, la politique étrangère nécessite une certaine continuité - Obama l'a d'ailleurs bien démontré en poursuivant plusieurs objectifs établis par l'administration Bush -, en particulier dans un monde complexe qui est de plus en plus multipolaire. Des changements draconiens dans la conduite de la politique étrangère américaine risqueraient de créer des tensions qui seraient tout à fait malvenues, alors qu'il y a tant à faire pour reconstruire l'économie du pays et la confiance des Américains à l'égard de leurs institutions politiques et économiques.

L'avantage, dans ce troisième débat entre Barack Obama et Mitt Romney, va malgré tout au démocrate: aucune crise grave n'a entaché son mandat, il a mis fin à la guerre en Irak et a un plan pour faire de même en Afghanistan, en plus d'avoir fait assassiner Oussama ben Laden et participé à une intervention victorieuse en Libye.

Seule ombre au tableau: la mort de l'ambassadeur Christopher Stevens à Benghazi. Il sera cependant très difficile pour Romney d'en tirer profit, étant donné son manque total de crédibilité et d'expérience en la matière - comme on l'a vu lors du deuxième débat.

C'est pourquoi Obama devrait réussir à se présenter comme un commandant en chef et un leader plus aguerri que le républicain au terme du débat de ce soir. Reste à savoir si cela sera suffisant pour lui permettre de l'emporter le 6 novembre.

L'auteure est professeure de science politique au collège André-Grasset et chercheuse associée à l'Observatoire sur les États-Unis de la chaire Raoul-Dandurand de l'UQAM.