Il y a une dizaine de jours, Philippe Couillard participait à une conférence à Boston pour faire la promotion de l'hydroélectricité québécoise.

Ce n'était pas un hasard : la veille de son discours, le Massachusetts, le Connecticut et le Rhode Island lançaient un appel d'offres pour un contrat de plus de 5 térawattheures (TWh, 1 milliard de kWh) d'« énergie propre ». Cet appel d'offres fait une place à l'hydroélectricité, jusqu'alors exclue des énergies renouvelables considérées.

Ces 5 TWh représentent environ les deux tiers de la production prévue de La Romaine. Comme cette production n'a pas encore trouvé d'acheteurs, la vendre à nos voisins serait idéal.

Quelles sont les chances du Québec d'obtenir le contrat ? Quels sont les obstacles à surmonter ? Regardons ces aspects qui pourraient être déterminants pour l'avenir énergétique et économique du Québec.

Les six États de la Nouvelle-Angleterre ont une population d'environ 15 millions d'habitants, soit légèrement moins que le double de celle du Québec. Leur consommation d'électricité s'élevait à 121 TWh en 2013, contre 172 TWh ici. Cela s'explique aisément. Alors que nous payons moins de 8 ¢/kWh, les consommateurs de la Nouvelle-Angleterre payent plus de 14 ¢/kWh.

Leur prix est élevé pour une raison simple : ils n'ont pas accès à de l'hydroélectricité. Ils ont donc construit des centrales thermiques brûlant du pétrole et du charbon, et des centrales nucléaires. Ces 15 dernières années, ils se sont débarrassés des centrales au pétrole et au charbon pour les remplacer par d'autres brûlant du gaz naturel, moins cher et moins polluant. Plusieurs de leurs centrales nucléaires vont aussi devoir être fermées, comme celle du Vermont à la fin 2014, parce qu'elles sont en fin de vie et que leur réfection serait trop chère.

Mais la Nouvelle-Angleterre peut difficilement ajouter davantage de centrales au gaz naturel dans son parc de production d'électricité. D'une part, parce qu'elle importe tout son gaz naturel et veut limiter sa vulnérabilité aux fluctuations de prix du gaz. D'autre part, parce qu'elle se donne l'ambition de réduire d'environ 15 % ses émissions de gaz à effet de serre dans le secteur électrique d'ici 2020. Impossible à faire si on ajoute encore des centrales au gaz.

De plus, ces États se sont donné l'ambition d'acheter beaucoup d'énergie renouvelable. Le Connecticut vise ainsi 27 % de son électricité d'ici 2020, alors que seulement 3 % de sa production venait de sources renouvelables en 2013. Beaucoup de chemin reste à faire... mais les éoliennes ne sont pas particulièrement dans le vent. Ces États assez densément peuplés n'apprécient pas meubler leur paysage d'éoliennes. Par exemple, le grand projet éolien « Cape Wind » au large des côtes du Massachusetts a été très contesté, n'a pu être financé et ne sera probablement pas réalisé.

LE BON MOMENT

Le Québec a donc à proximité un marché qui aura besoin de son électricité. Les obstacles sont cependant réels. Il faut pouvoir acheminer l'électricité. Tout comme les éoliennes, les pylônes électriques ne sont pas particulièrement prisés, et une résistance s'organise contre les projets de transmission. Les considérations de développement économique local sont aussi présentes dans les contrats d'électricité envisagés. Ce sont des préoccupations légitimes, mais qui peuvent coûter très cher aux consommateurs, qui paient déjà leur électricité à un prix élevé.

Le Québec pourra vendre beaucoup d'électricité propre à ses voisins, mais des étapes importantes restent à franchir. Avec des efforts de communication, mais surtout avec une nouvelle politique énergétique axée sur l'ouverture des marchés, la transparence, la collaboration et l'atteinte d'objectifs de réduction des GES, le Québec a de bonnes chances de tirer son épingle du jeu dans l'évolution des marchés électriques.

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