Loin d'être une simple péripétie dans la course à l'investiture républicaine pour l'élection présidentielle, la victoire de Donald Trump aux primaires du New Hampshire mardi marque, sans aucun doute, un mouvement de fond. Le milliardaire, aussi insaisissable qu'incontrôlable pour son propre parti, a pulvérisé ses adversaires et rapidement fait oublier sa courte défaite aux caucus de l'Iowa la semaine dernière.

Donald Trump a le vent dans les voiles, et cela, depuis le moment où il a annoncé sa candidature à l'investiture républicaine en juin dernier. Il était déjà premier dans les sondages ; il l'est resté. Ses excès verbaux, ses invectives contre ses concurrents, les minorités et les pouvoirs en place l'ont servi. Loin d'effrayer les électeurs, il a au cours des derniers mois réussi un triple tour de force. Il a dynamisé une course républicaine qui s'annonçait ennuyeuse ; il a redonné espoir à une partie de l'électorat républicain pour qui Jeb Bush et Marco Rubio ressemblent trop à Hillary Clinton et Barack Obama ; il a attiré de nombreux électeurs démocrates et indépendants déçus par l'actuelle administration.

Il ne lui manquait plus que d'affronter l'épreuve de la réalité et de transformer le succès des sondages en victoires électorales. C'est fait. Au New Hampshire, il a réuni presque autant de votes que ses trois plus proches adversaires, tous politiciens férus et membres honorables de l'establishment si détesté par les temps qui courent. Un beau succès.

Les prochaines étapes pourraient être redoutables pour Trump. Le Nevada et la Caroline-du-Sud, ce mois-ci, et les 13 États qui voteront à l'occasion du « Super Tuesday » du 1er mars sont loin d'être socialement et politiquement aussi homogènes que le New Hampshire. Certains États, comme le Texas, très conservateurs, iront certainement vers le sénateur Ted Cruz. D'autres, plus modérés, pencheront pour l'un des perdants de mardi soir.

Mais rien n'est écrit d'avance dans cette campagne républicaine complètement atypique et Donald Trump pourrait encore surprendre.

Il se présente comme le défenseur des valeurs conservatrices, mais il n'y a que Sarah Palin pour le croire.

Une des figures de proue du mouvement conservateur, l'intellectuel Glenn Beck, n'est pas dupe. Il accuse Trump d'être un « gauchiste » et préfère endosser Ted Cruz. Un Cruz passablement ignoré, puisque aucun de ses collègues républicains au Sénat ne lui a offert son appui et que de nombreux commentateurs conservateurs estiment qu'il est le politicien le plus « inhumain » et le plus « impitoyable » qu'aient connu les États-Unis depuis l'époque du sénateur Joe McCarthy dans les années cinquante.

Un Trump à gauche ? L'affirmation tient, même si le sénateur Bernie Sanders, socialiste et candidat à l'investiture démocrate, pourrait la contester.

Le milliardaire a bien saisi l'atmosphère qui règne aux États-Unis depuis une dizaine d'années. Il sait qu'une partie notable des Américains se sent marginalisée au point de craindre le déclassement social. Ces Américains, en particulier les « petits blancs », redoutent une réduction de l'État providence, de ses programmes sociaux et de ses allocations, prévue par les candidats comme Cruz et Rubio.

Trump répond à cette angoisse. Il n'a absolument pas l'intention de réduire la taille de l'État et veut au contraire lui donner un rôle plus interventionniste. Il veut protéger la valeur des retraites et dénonce les programmes d'austérité de ses concurrents. « Tout ce que veulent les autres, c'est de dégraisser le système. Moi, je ne veux absolument pas couper les fonds, au contraire, je veux réinvestir pour qu'on puisse arriver à sauver le système », disait-il cet automne en parlant de la sécurité sociale. Voilà un discours qui pourrait plaire aux électeurs de Sanders.

La victoire de Trump n'est pas encore acquise. L'establishment du parti peut encore se ressaisir pour lui faire barrage. Mais qui sera capable de stopper l'ouragan Trump ?

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