Je pense que ça prendrait un politicien qui a le même charisme que le Canadien de Montréal pour réaliser le vivre ensemble fraternel dont nous rêvons tous.

J'ai fait ce constat alors que je donnais une conférence pour un organisme d'accueil et d'intégration devant une assistance des plus multiethniques de Montréal. Malheureusement pour moi, la présentation a commencé en même temps qu'un match de séries du Tricolore et juste à l'entrée de la salle, il y avait une télévision syntonisée à RDS. Non seulement une partie de l'audience a préféré se stationner devant l'écran plutôt que d'entrer dans la salle, mais, plus spécial encore, lorsque des cris annonciateurs d'un but ont résonné dans le hall d'entrée, la moitié de l'auditoire qui semblait écouter m'a fait faux bond. Devant la télé, il y avait alors des Québécois de toutes origines qui criaient le fameux « Go Habs Go ! ». C'était beau d'entendre cette diversité chanter en choeur pour un même symbole d'appartenance.

La scène était si puissante que je suis parti de cette soirée avec la certitude que seul le Canadien de Montréal pouvait catalyser ces manifestations ostensibles du Québec métissé serré. D'ailleurs, dans les lignes ouvertes après les matches, même si les accents se suivent et ne se ressemblent pas, tout le monde rêve de ce qu'il y a de mieux pour l'équipe. Il m'arrive même parfois, en écoutant ces défoulements radiophoniques de partisans, de penser qu'on s'est trompé sur le choix de l'entraîneur, tellement le Marocain ou l'Haïtien fanatique de hockey qui venait de raccrocher semblait savoir mieux que Michel Therrien comment gagner la Coupe Stanley.

J'ai bien dit des fanatiques, puisque le hockey du Canadien a un côté « religieux » qui a été bien raconté dans Une théologie du Canadien de Montréal, signé Olivier Bauer, un professeur de l'Université de Montréal. Malheureusement, le Canadien semble avoir perdu de sa toute-puissance d'antan. 

Il y a d'ailleurs une question qui me trotte dans la tête depuis longtemps : pourquoi la nation la plus fanatique de hockey au monde ne peut-elle pas avoir une équipe qui serait à ce sport ce que le FC Barcelone est au foot ?

Je sais que les spécialistes vont me sortir les traditionnelles histoires de masse salariale et des joueurs qui sont payés en argent américain, mais comme j'ai déjà entendu tout ça, je vais quand même poursuivre mon questionnement en vous parlant de l'exemple du football catalan.

La Catalogne et le Québec sont deux nations qui se ressemblent à certains égards. Ce sont toutes les deux des sociétés distinctes avec un historique nationaliste. Fanatiques de soccer, les Catalans ont créé le FC Barcelone, qui est peut-être la plus puissante machine footballistique de la planète. Pour y arriver, ils ont mis de l'avant leur argent, mais surtout leur fierté, leur identité et leur rage de vaincre héritées de leur histoire jalonnée d'obstacles. L'autre secret du Barça, c'est son club-école (la Masia) où sont formées certaines futures vedettes de l'équipe. C'est là qu'on apprend aux jeunes qui rêvent de défendre les couleurs du club, comme le disait si bien l'écrivain catalan Manuel Vazquez Montalban, que le FC Barcelone est plus qu'un simple club, car il incarne des valeurs qui le dépassent.

Lorsque le Canadien de Montréal incarnait cet enracinement dont parle Montalban, il était au hockey ce que le Barça est au soccer d'aujourd'hui. Je sais que les réalités ne sont plus les mêmes et que le hockey s'est mondialisé, mais je me demande quand même si la réponse aux problèmes de notre hockey ne se trouve pas quelque part à Barcelone. Je parle évidemment de la réponse à cette question jadis très pertinente : au-delà de l'argent, pourquoi veux-tu jouer pour le Canadien de Montréal ? Contraire à ce que pense Sam Hamad, je crois qu'il faut réinventer la roue à trois boutons pour le Canadien.

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