Les inégalités de richesse planent comme « une ombre sombre » sur l'économie mondiale, prévenait le Fonds monétaire international (FMI) en 2013. C'est même devenu le « défi de notre époque », renchérissait l'année dernière le président Obama.

Et puis ? Et puis pas grand-chose... En fait, le fossé entre pauvres et riches continue de se creuser, a révélé Oxfam cette semaine lors du Forum économique mondial de Davos. Les avoirs du 1 % viennent de dépasser ceux du 99 %. Et les 62 citoyens les plus riches possèdent maintenant à eux seuls plus que la plus pauvre moitié de la planète. L'écart n'est pas seulement abyssal, il est obscène.

Bien sûr, il y a quelques bonnes nouvelles. L'inégalité entre les pays diminue. Et dans l'ensemble, la misère recule. Depuis 1990, la mortalité infantile et la pauvreté extrême ont été réduites de moitié. Mais ce progrès n'est pas uniforme - il résulte surtout de la montée de la Chine et de l'Inde. Et ce progrès reste loin d'être suffisant. En effet, la « pauvreté extrême » correspond à un revenu inférieur à 1,90 dollar par jour. À deux dollars par jour, même si on sort de la catégorie « extrême », on reste dans la dèche.

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Les inégalités sont inévitables, et pas forcément mauvaises. Deux conditions les rendent acceptables : si les plus pauvres améliorent malgré tout leur sort, et s'ils ont eux aussi la possibilité de gravir les échelons.

Est-ce le cas ? La situation varie d'un pays à l'autre, mais à l'échelle mondiale, la réponse est « non » et « non ». L'ascenseur social est en panne et les pauvres récoltent les miettes de la croissance. Dans le dernier quart de siècle, le décile le moins riche de la planète n'a reçu que 0,6 % de la création de richesse ! C'est peut-être la statistique la plus troublante. Pour eux, la création de richesse ne sert presque à rien.

Il s'agit d'abord d'un problème moral, qui force à réfléchir au type de société dans laquelle on veut vivre. Et il s'agit aussi, on commence à le réaliser, d'un problème économique. Les inégalités ne sont pas un mal nécessaire pour enrichir la planète. Au contraire, elles freinent la croissance, constatent désormais l'OCDE, le FMI et la Banque mondiale.

Ce récent virage idéologique est majeur. Toutefois, peu de choses changent, car il est plus facile d'identifier le problème que de le régler.

Les grandes causes sont connues : place démesurée de la finance, mondialisation, paradis fiscaux et robotisation de l'économie, qui menacerait des millions d'emplois.

Après la Seconde Guerre mondiale, des programmes sociaux avaient permis aux pays développés de réduire chez eux les inégalités, et ce, jusqu'à la fin des années 70. Appliquer cette recette n'est plus facile aujourd'hui. Les États ont moins de ressources pour agir, à cause de la faible croissance et de la saignée de leurs recettes vers les paradis fiscaux.

C'est justement parce que la solution est complexe qu'elle nécessitera de la volonté politique. Et cette volonté, elle ne viendra pas sans une bonne dose de pression populaire.

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