La Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) n'a pas seulement dit « non » à l'oléoduc Énergie Est. Elle a fait tourner le vent. La pression augmente sur Québec pour se joindre aux opposants.

Il est peut-être trop tôt pour dire qu'un premier clou a été enfoncé dans le cercueil du mégaprojet de 16 milliards de dollars. Mais le refus catégorique de la CMM change la donne.

Certes, le municipal n'a aucun pouvoir juridique de blocage. Son pouvoir politique est par contre bien réel, à cause d'une condition déjà posée par Justin Trudeau et Philippe Couillard : l'acceptabilité sociale.

Contrairement à son prédécesseur, M. Trudeau n'appuie pas ouvertement le projet. Il ne s'y oppose pas non plus. En fait, il est écartelé entre deux camps. Ceux en faveur, soit le lobby pétrolier, ainsi que l'Alberta et le Nouveau-Brunswick, points de départ et d'arrivée de l'oléoduc. Et ceux en défaveur, soit des riverains inquiets et les environnementalistes qui se souviennent avec raison de sa promesse de lutter contre les changements climatiques.

Cela explique le flou artistique de M. Trudeau dans ce dossier. Pour l'instant, il a posé deux conditions : l'examen environnemental du projet devra être renforcé, et, au terme de ce processus, il faudra obtenir l'appui des communautés.

L'acceptabilité sociale est un terme galvaudé et malléable. Une minorité bruyante peut le détourner pour bloquer un projet. Or, la CMM n'est pas un groupuscule activiste. Ses maires représentent près de la moitié de la population du Québec. Et ils ont prouvé leur bonne foi l'année dernière en appuyant, sous certaines conditions, l'inversion de l'oléoduc 9B d'Enbridge.

Le projet Énergie Est de TransCanada n'a toutefois pas passé le test de la CMM, en raison du risque de déversement et du peu de retombées économiques.

Les maires du grand Montréal défendront bientôt ce « non » à la consultation du BAPE prévue par Québec. Au terme de ce processus, Québec adoptera la position finale qu'il défendra auprès du fédéral. Or, un des critères de Québec est l'acceptabilité sociale. L'opposition de la CMM pourrait donc faire boule de neige...

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Le maire Coderre dit avoir une « tolérance zéro » pour le risque de déversement. C'est un peu court, car tant que Montréal consommera du pétrole, il faudra en importer, et donc assumer une part inévitable de risque. Mais il est vrai que le pétrole de l'oléoduc sera en partie exporté à l'étranger.

Qu'aurait alors à gagner la région ? Pour bien évaluer les retombées économiques, il faudra que Québec commande une étude. Et pour bien évaluer le risque de déversement, il faudra attendre la fin de l'examen technique de l'Office national de l'énergie, qui relève d'Ottawa.

Malgré tout, on ne peut reprocher aux maires leur position hâtive. Car ce qui les a fait basculer dans le camp des opposants, c'est « l'arrogance » de TransCanada, qui a refusé de participer à leurs consultations. L'histoire se répète... La société n'avait pas réussi à expliquer en 2014 pourquoi un port devait être construit à Cacouna, dans une pouponnière à bélugas. Elle a finalement dû reculer.

Si le vent se lève encore, c'est parce que TransCanada l'a semé.

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