La récente alerte majeure en matière de terrorisme, qui a provoqué la fermeture d'une vingtaine d'ambassades américaines depuis cinq jours, attire encore une fois l'attention sur le Yémen. Là où s'est développée depuis un certain temps l'une des filiales les plus structurées et actives de la mouvance Al-Qaïda.

C'est que ce semble devoir confirmer l'annonce du gouvernement yéménite, hier, à l'effet qu'il aurait déjoué une vaste opération terroriste. Celle-ci devait notamment assurer la prise de contrôle d'installations pétrolières du sud du pays, où le Canada a des intérêts et du personnel de gérance. Le projet rappelle l'attentat perpétré, en janvier dernier, contre un complexe gazier algérien (55 morts).

Quoi qu'il en soit, les ambassades à Sanaa de plusieurs pays, dont celles des États-Unis, de la France et de l'Allemagne, demeurent fermées et plusieurs États ont demandé à leurs ressortissants de sortir du Yémen.

On sait maintenant que l'alerte donnée par les services américains de renseignement a été motivée par l'interception de messages échangés entre le leader yéménite d'Al-Qaïda dans la Péninsule arabique (AQPA) et Ayman al-Zawahiri. Ce dernier est l'ex-lieutenant d'Oussama ben Laden; pour sa part, le mouvement AQPA, outre ses intenses activités locales, s'est aussi impliqué dans des attentats dirigés contre l'Occident.

Bref, dans ce pays pauvre, mal gouverné, déchiré depuis des décennies par des antagonismes tribaux et par mille conflits à géométrie variable, ce qui reste d'Al-Qaïda a peut-être trouvé une sorte de refuge.

Comme ce fut le cas, il y a plus de 15 ans, en Afghanistan.

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 Depuis l'attentat de Boston et les agressions de Toulouse, Londres et Paris contre des enfants juifs ou des militaires, il est acquis que le danger qui menace l'Occident en matière de terrorisme a muté. Il est dorénavant celui que présente le «loup solitaire» auto-radicalisé, instable, sans réseau ni moyens. Et c'est en Irak, en Afghanistan, au Pakistan, en Syrie, au Mali, au Maghreb, que les djihadistes organisés se déchaînent, faisant la quasi-totalité de leurs victimes chez leurs coreligionnaires.

Aussi, on constate que beaucoup d'eau a coulé sous les ponts depuis le 11 septembre 2001 et que les populations occidentales sont plus sereines, aujourd'hui, devant la menace terroriste.

Faut-il revoir cette vision à la lumière de la situation au Yémen?

Ce sont les appareils étatiques qui contrôlent la cueillette et la diffusion (ou non) du renseignement. Or, un, cette activité nécessite une grande part de secret, nonobstant les Assange et Snowden de la planète. Deux, le lien de confiance s'est brisé depuis les mensonges de l'administration Bush, les révélations sur l'espionnage systématique des communications, surtout aux États-Unis, n'ayant pas arrangé les choses.

Il est donc difficile pour le simple citoyen d'apprécier la menace réelle. Sauf pour le musulman vivant dans l'un ou l'autre des territoires assiégés du Moyen-Orient, de l'Afrique ou de la péninsule arabique: lui sait exactement à quoi s'en tenir au sujet de ceux qui tuent au nom du dieu qu'ils ont en commun.