L'individualisme progresse, la participation électorale diminue. Comme si le vote devenait tranquillement un choix personnel, de moins en moins un devoir civique. À quoi bon se déplacer, entend-on de plus en plus souvent, si mon vote ne fait pas une réelle différence?

Or ce cliché a beau avoir la vie dure, il est battu en brèche par le résultat des deux dernières élections, au provincial et au fédéral.

Au provincial, une analyse poussée du scrutin du 7 avril dernier réalisée par la professeure de sociologie de l'Université de Montréal Claire Durand (publiée dans les pages Débats samedi) révèle une donnée surprenante qui mérite d'être soulignée dans le grand débat sur la participation électorale.

Les francophones ont beau dicter le choix des gouvernements au Québec, souligne-t-elle, les non-francophones ont eu cette fois une influence importante dans le résultat final en raison de leur vote homogène, certes, mais surtout de leur vote massif.

Pas sorcier, le taux de participation a baissé dans pratiquement toutes les circonscriptions à majorité francophone et a augmenté partout où les anglophones et allophones sont plus nombreux. Un taux de participation à géométrie variable, selon Mme Durand, qui a pénalisé les troupes de Pauline Marois.

L'erreur stratégique du PQ, elle est là: il a cru pouvoir polariser la population avec la Charte des valeurs et ainsi faire le plein d'appuis chez les partisans de la ligne dure, ignorant ses détracteurs. Or, en politique, vaut toujours mieux additionner que soustraire...

Le Parti québécois a probablement réussi à gagner quelques appuis, mais il en a surtout perdu parce que les opposants sont sortis plus massivement que les partisans. Les non-francophones, furieux, se sont mobilisés aussi fortement que lors du référendum de 1995.

Résultat: le PQ a perdu du terrain où l'on retrouve une forte proportion de personnes de langue maternelle autre que française, précisément où le PLQ a réussi à gonfler ses appuis. Chaque électeur opposé à la charte a ainsi fait une différence.

Au fédéral, l'élection de 2011 a elle aussi prouvé l'importance pour chaque électeur de participer au vote. Mais il s'agit cette fois d'un contre-exemple. Les conservateurs ont remporté la victoire, arrachant une majorité de sièges à la Chambre des communes après plusieurs tentatives, malgré un très faible appui chez les jeunes électeurs. Ces derniers pourraient donc à juste titre soutenir qu'ils n'ont pu faire une différence et donc, que leur vote ne compte pas.

Or au contraire, une évaluation faite après l'élection par la firme Ekos a montré que si tous les jeunes étaient allés voter en mai 2011, une trentaine de sièges auraient facilement pu basculer, peut-être plus. Ce qui aurait pu coûter aux conservateurs leur majorité.

De là à dire que «chaque vote compte», littéralement, est évidemment trop fort. Il faut un contexte, une tendance, une vague d'appuis ou de protestation pour un parti donné. Mais ce que ces deux analyses montrent hors de tout doute, c'est qu'un groupe d'électeurs, même minoritaire, peut modifier en profondeur le résultat d'une élection. À condition, bien sûr, d'aller voter...

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