En muselant les scientifiques à l'emploi du gouvernement, Stephen Harper ne s'attaque pas à «la science», comme le prétendent ses détracteurs. Il poursuit plutôt à chasser les contre-pouvoirs qui limitent son contrôle obsessionnel de l'État...

Il suffit en effet de jeter un coup d'oeil aux budgets gouvernementaux accordés à l'ensemble des fonctions scientifiques fédérales pour constater que les conservateurs sont loin de «tourner le dos à la science», comme on le leur reproche.

Lorsque Stephen Harper a pris le pouvoir en 2006, les ministères et organismes fédéraux avaient accès à un budget de 9,5 milliards$ pour leurs activités scientifiques et technologiques. Quatre ans plus tard, cette même enveloppe dépassait les 12 milliards$, une hausse importante de 26%.

Les conservateurs n'ont donc pas moins d'intérêt pour la science que les libéraux, ils ne s'intéressent tout simplement pas à la même science, privilégiant les recherches qui profitent à l'industrie, qui donnent des résultats immédiats, qui rapportent en argent sonnant et trébuchant.

Il y a d'excellentes raisons de s'en désoler, mais il ne faut pas confondre le mal et le symptôme. Le traitement réservé aux scientifiques est déplorable, mais il ne représente qu'une des conséquences de la nouvelle noirceur dans laquelle les conservateurs sont résolus à plonger le Canada.

Depuis qu'elle est au pouvoir, en effet, l'équipe de Stephen Harper élimine un peu plus chaque année les contre-pouvoirs qui encadrent son autorité, les garde-fous qui empêchent normalement les élus de concentrer trop de pouvoir en un seul lieu.

Ce n'est donc pas la science qui est visée, mais bien les questions qu'elle permet de poser, les remises en question qu'elle propose, les interrogations qu'elle suscite, les contre-expertises qu'elle engendre.

Ce qu'a en horreur Stephen Harper, ce ne sont donc pas les scientifiques comme tels, encore moins «la science», ce sont les pouvoirs qui font obstacle à sa détermination.

Il se permet donc de museler les fonctionnaires en général, de la même manière qu'il abolit la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie, le Conseil national du bien-être social, l'Institut de la statistique des Premières nations ou le questionnaire détaillé du recensement de Statistique Canada.

Il met une croix sur Kyoto pour empêcher la communauté internationale de critiquer ses efforts. Il change les lois pour pouvoir casser les décisions de l'Office national de l'énergie. Il résume les évaluations environnementales à leur plus simple expression. Il menace de couper les vivres aux organisations qui le contredisent. Il ferme les portes de Droits et Démocratie. Il proroge le parlement au besoin.

Un à un, il abolit ainsi les instruments par lesquels peut s'exprimer une certaine dissidence. Il élimine les pouvoirs de vérification, de surveillance, de recommandations et de vigilance. Bref, il supprime tous les instruments censés limiter ses tendances absolutistes.

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