Trois ans après son lancement, le programme québécois de procréation assistée trahit ses vices de conception. Il est urgent d'en resserrer les critères et de faire un suivi adéquat.

«Nous constatons une apparente dérive des cas d'infertilité médicale vers une sorte d'"infertilité sociale"», témoigne la Clinique de procréation assistée du CHUM dans son mémoire au Commissaire à la santé et au bien-être.

Entre les femmes célibataires, celles dont le conjoint est à l'étranger et les couples d'hommes gais, la clinique voit bien des gens dont les difficultés de procréer n'a rien à voir avec un problème de santé. Et c'est sans compter les casse-tête éthiques -

femmes démunies au plan psychologique ou matériel, mère qui veut porter un enfant pour sa fille, etc.

Ces personnes ont-elles bénéficié des services payés par l'État? L'hôpital ne le dit pas, mais souligne la difficulté de trancher ces cas sans balises précises.

C'était à prévoir: nous avons maintes fois dénoncé l'esprit «bar ouvert» de ce programme. Plusieurs des États qui financent la procréation assistée encadrent l'accès aux traitements, notamment en limitant l'âge des patientes. Rien de tel ici, où ce critère est laissé à la discrétion des médecins - un exemple de balise manquante signalé par le CHUM. Pendant ce temps, des patients qui ont de réels besoins médicaux liés à la procréation (tests génétiques poussés, diagnostic préimplantatoire pour éviter une maladie grave, etc.) subissent une attente importante, dénonce le centre hospitalier.

On s'étonne encore qu'un système public comme le nôtre, qui refuse chaque jour des services publics à ses citoyens faute de ressources, dépense des dizaines de millions de dollars chaque année pour permettre à certains de réaliser leur désir de donner naissance.

L'administration précédente, et toute l'opposition, ont jugé que l'infertilité relevait de l'assurance maladie? Soit. Mais dans ce cas, répondons d'abord aux besoins de nature médicale, quitte à élargir l'offre de services plus tard s'il y a lieu. Tout notre système de santé, de l'attente à l'urgence aux délais en chirurgie, priorise les besoins. Ce refus de le faire pour les coûteux traitements de fertilité dépasse l'entendement.

L'examen commandé au printemps par le ministre Hébert s'imposait. Le Commissaire à la santé a reçu une cinquantaine de mémoires et consulté plusieurs acteurs du domaine. Et contrairement aux politiciens, il n'a pas à plaire à tout le monde. Espérons qu'il en profitera pour recommander les changements qui s'imposent.

Québec devrait aussi pouvoir mesurer les effets de ces interventions, chez les patientes comme chez les enfants qui en résultent, et les coûts qui y sont associés. Or, plusieurs données essentielles pour évaluer et améliorer les pratiques ne sont pas compilées, ou pas disponibles. Trois ans après l'entrée en vigueur du programme, c'est inadmissible.

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