La forte création d'emplois enregistrée aux États-Unis le mois dernier accroît les probabilités que la Réserve fédérale augmente son taux directeur d'ici à la fin de l'année. Cette hausse serait la première depuis la crise financière de 2008, alors que le taux a été aplati à zéro dans l'espoir de relancer l'économie.

Lorsqu'elle se produira, l'augmentation du taux directeur se répercutera sur tous les taux d'intérêt, y compris ceux en vigueur au Canada. Et dans la mesure où elle est suivie par d'autres hausses, elle entraînera un sain rééquilibrage dans les portefeuilles des Canadiens entre les actions et les placements à revenu fixe. Cet effet positif - une diminution du risque - sera toutefois annulé par l'avènement d'une nouvelle ère en matière d'épargne, une époque caractérisée par des rendements faibles, peu importe le type de placement. Les investisseurs devront s'adapter.

La plupart des spécialistes s'attendent à une hausse très graduelle des taux d'intérêt. Les placements à revenu fixe offriront un rendement (à long terme) un peu plus élevé qu'aujourd'hui, mais encore modeste. Quant aux actions, leur rentabilité souffrira de la concurrence renouvelée des obligations et des certificats de dépôt. Selon les plus récentes « normes d'hypothèses de projection » publiées par l'Institut québécois de la planification financière, aux fins de projection à long terme, un planificateur devrait se baser sur un rendement annuel de 3,3 % (portefeuille équilibré, après les frais).

Au fil des années, l'Institut a sensiblement abaissé ses hypothèses. Depuis 2009, le rendement projeté des actions canadiennes est passé de 7,25 % à 6,3 % ; celui des placements à revenu fixe a glissé de 4,75 % à 3,9 %.

Le temps où on pouvait compter sur un rendement minimal de 5 ou 6 % pour générer des revenus en vue de et pendant nos vieux jours est bel et bien derrière nous.

Peu de gens semblent en être conscients. Au début de l'année, la firme Natixis a interrogé 250 Canadiens détenant des placements de 250 000 $ et plus. Or, même ces investisseurs qu'on croirait avertis espèrent un rendement annuel de 9,3 % (en plus de l'inflation) pour atteindre le niveau de revenu souhaité à la retraite. S'ils n'ajustent pas leurs attentes, ces gens-là vont vivre tout un choc le jour venu.

Par conséquent, chaque personne qui est en mesure d'épargner en vue de la retraite - c'est déjà une chance - devrait refaire ses calculs afin de tenir compte de la forte probabilité de rendements faibles à moyen et à long terme. S'ajoutant à la générosité moindre des régimes complémentaires, cette nouvelle donne forcera bon nombre de Canadiens à continuer de travailler après 65 ans, au moins à temps partiel. Pendant quelques années, le salaire gagné compensera le rendement moindre des fonds investis.

Ensuite ? Les vieux de demain seront peut-être moins bien nantis que ceux d'aujourd'hui.