Le projet de charte des valeurs québécoises divise le Québec; le mouvement féministe n'y échappe pas.

Le Devoir annonçait mercredi la création prochaine d'un nouveau groupe féministe, Pour les droits des femmes (PDF). PDF souhaite faire entendre un autre point de vue que celui de la Fédération des femmes du Québec, notamment au sujet de l'interdiction de porter des signes religieux que le gouvernement Marois veut imposer aux employés du secteur public.

La Fédération s'oppose à cette partie du projet de «charte des valeurs québécoises»: «L'interdiction de porter le foulard dans la fonction publique et les services publics aurait pour effet de mettre des femmes devant un dilemme insoluble, soit: renoncer à un symbole de leur croyance ou de leur identité auquel elles sont attachées pour des raisons qui leur appartiennent, ou perdre leur emploi.»

Pour sa part, le groupe dissident est convaincu que le foulard symbolise l'infériorité de la femme, même lorsque celle qui le porte affirme le faire sans contrainte. «C'est toute l'idée de la femme impure, provocatrice, a dit au Devoir une des fondatrices de la nouvelle organisation. On est encore dans les vieux schémas: la vierge et la putain. Celle qui est bien cache ses cheveux, les autres sont des putains.»

Cette approche est paradoxale. Les femmes ont mis des années pour gagner le droit de se vêtir comme elles le veulent. Et voici que des féministes veulent imposer un code vestimentaire aux femmes oeuvrant dans le secteur public? Il est consternant de les entendre balayer du revers de la main le fait que dans un grand nombre de cas, le choix de porter le foulard a été fait librement. Comme si le discours féministe pouvait imposer des limites à la liberté des femmes. On voit là le risque qu'il y aurait à placer l'égalité des sexes au-dessus des autres droits fondamentaux, dont la liberté d'expression.

Quant à celles qui seraient forcées par leur conjoint ou leur famille à porter le voile, la suppression des signes religieux dans la fonction publique ne leur sera d'aucun secours, comme le souligne Béatrice Vaugrante, directrice générale d'Amnistie internationale Canada francophone: «Pour les personnes, et en particulier les femmes, qui subiraient une coercition pour porter un signe religieux, leur interdire de le porter ne corrige pas la situation: ceux qui exercent la coercition restent impunis, et celles qui la subissent sont punies plusieurs fois: perte d'emploi et donc atteinte au droit au travail, risque d'isolement et de stigmatisation.»

Les féministes s'inquiètent depuis plusieurs années de l'hypersexualisation des filles, s'exprimant par exemple dans leur façon «provocante» de s'habiller. Voici que certaines d'entre elles dénoncent l'habillement trop conservateur des musulmanes. On comprend qu'à leurs yeux, il n'y a qu'une façon d'être une femme libre: la leur. Cela s'appelle du paternalisme.