Pour nombre d'Américains, dont la plupart des membres de la classe politique, Edward Snowden est un espion et un traitre. Pour d'autres, celui qui a révélé l'ampleur de l'espionnage mené par les services de renseignements américains est un héros. En réalité, le personnage est difficile à mettre dans une case aussi bien définie.

Le comportement et les motivations de l'ancien analyste de la National Security Agency sont pleins de zones d'ombre. Pourquoi a-t-il décidé de révéler son identité? Pourquoi a-t-il fui? Pourquoi avoir choisi Hong Kong comme destination initiale? Que sa cause soit aujourd'hui appuyée à la fois par la gauche d'Amérique latine et par les libertaires américains illustre la complexité de l'affaire.

Il ne fait aucun doute que les informations fournies aux médias par Snowden sont d'intérêt public. Si elles suscitent débats et réformes, la démocratie s'en portera mieux. Mais il y a la manière...

On a beaucoup comparé le geste de Snowden à celui de Daniel Ellsberg, l'analyste militaire qui coula aux journaux un rapport secret (les «Pentagon Papers») du département de la Défense au sujet de la guerre du Vietnam. La comparaison ne tient pas. Elsberg n'a décidé de diffuser le document qu'après une longue réflexion et des démarches, infructueuses, auprès d'élus. Snowden a avoué avoir décroché son emploi dans le but précis d'obtenir des informations secrètes et de les diffuser.

Elsberg a choisi de se rendre aux autorités et de «faire face aux conséquences de (sa) décision.» Snowden, on le sait, fuit la justice et cherche une terre d'asile, notamment dans des pays où les pratiques des services secrets sont certainement plus révoltantes que celles qu'il dénonce.

Elsberg était mû par le désir de mettre un terme à la guerre du Vietnam, qui avait fait des dizaines de milliers de victimes. Sauf preuve du contraire, les méthodes de la NSA n'ont pas encore mené aux abus que l'on craint. Et ces abus, s'ils se produisaient, ne sont pas du tout de la même gravité que le massacre qui s'est produit en Asie du Sud-Est dans les années 1960 et 1970.

Edward Snowden ne se comporte pas en héros. Par ailleurs, il est injuste de le qualifier de traitre alors que son objectif initial n'était pas de nuire à son pays (on se demande toutefois pourquoi il a décidé de publier aussi des informations relatives aux relations internationales des États-Unis, ce qui est plus discutable).

Quel que soit l'intérêt que l'on porte à la saga de ce jeune Américain errant, on ne doit pas oublier le fond de l'histoire. Les élus des divers pays concernés, au premier chef les membres du Congrès, doivent absolument scruter à la loupe les pratiques des services de renseignement et s'assurer que ces derniers se limitent à ce qui est strictement nécessaire (et efficace) pour la prévention des attentats terroristes.