Croyez-vous que Denis Coderre a le profil de maire que les Montréalais recherchent et dont ils ont besoin pour gouverner la métropole?

Jean Baillargeon

Expert-conseil en communication stratégique et en gestion d'enjeux



LE MODÈLE LABEAUME OU TREMBLAY ?

La popularité actuelle de Denis Coderre tient à un seul facteur: il représente pour plusieurs la copie conforme du maire de Québec Régis Labeaume. Pince sans rire, petit et rondelet, populiste et coloré, sa popularité sur Twitter avec plus de 100 000 abonnés confirme le succès du personnage politique. Par ailleurs, est-il aussi intègre et bon gestionnaire que le maire de Québec ? À la commission Gomery, portant sur l'enquête du scandale des commandites, Denis Coderre a toujours nié avoir profité du détournement de fonds publics pour financer sa campagne électorale, malgré certains témoignages le contredisant, sans oublier sa proximité avec certaines firmes qui ont largement profité de ce programme. Il a toujours nié être au courant du stratagème permettant au Parti libéral du Canada d'être au coeur de ce scandale, qui a tout de même coûté plus de 100 millions de fonds publics. Je ne mets pas en doute sa parole, mais je crains que Denis Coderre, à cause de ce précédent, ressemble davantage à un Gérald Tremblay, pur, mais innocent et incompétent en tant que gestionnaire de fonds publics ,qu'à un Régis Labeaume qui maîtrise bien, du moins jusqu'à maintenant, la gestion de la ville de Québec malgré son style cassant et autoritaire.

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Stéphane Lévesque

Enseignant en français au secondaire à L'Assomption

HANTÉ PAR LE SCANDALE DES COMMANDITES

Non, je ne crois pas qu'il a le bon profil. C'est un politicien d'expérience et c'est, selon moi, ce qui lui nuit le plus. Il provient du Parti libéral fédéral, le même qui a été impliqué dans le scandale des commandites. Il a fort probablement profité, au cours de ses nombreuses campagnes électorales, de dons douteux et de cocktails louches. La commission Charbonneau a provoqué une allergie collective à ce type de candidat qui serre les mains sans regarder qui est au bout du bras, qui prend l'enveloppe sans porter attention à sa provenance. Le bon profil, selon moi, ce sera celui d'un candidat « outside the box ». Il devra penser différemment pour panser efficacement. En effet, la Ville de Montréal est meurtrie à plusieurs niveaux et il faudra, tout d'abord, que son nouveau maire lui permette d'avoir accès à des soins d'urgence. Il faudra également que ce nouveau maire élabore une vision à long terme pour sa ville. Il faudra gérer le très court terme et le long terme en même temps. Il faudra donc que le maire fasse plus, mieux et avec moins de monde. Les qualités que les électeurs rechercheront, ce seront l'intégrité et l'éthique. Même si M. Coderre nous détaille sa compétence ou l'étendue de son expérience, je crois qu'il ne pourrait être assez créatif pour réinventer un modèle politique qui doit, de toute urgence, être aboli.

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Jean Bottari

Préposé aux bénéficiaires



L'HOMME DE L'ÈRE 2.0

Denis Coderre est-il l'homme de la situation pour Montréal? Il a certes une grande expérience en tant que député fédéral et connaît sa ciscronscription comme le fond de sa poche. Mais est-il vraiment prêt à gouverner la plus grande métropole et le moteur économique du Québec? Ville qui, semble t-il, détient la palme des municipalités les plus corrompues de la province ?  Il ne faut surtout pas oublier que Denis Coderre était en poste tout au long du célèbre mais non moins désolant scandale des commandites. Il semble bien que M. Coderre n'y est pas mêlé personnellement, mais une fois ce scandale dévoilé, il n'a pas quitté le navire libéral, mais l'a plutôt défendu bec et ongle et lui a démontré une fidélité sans bornes et peu commune. Or, Denis Coderre se présente (enfin) officiellement comme candidat à la mairie de Montréal et semble susciter une ferveur enviée par ses adversaires. L'homme et sa personnalité sont responsables en  partie de cet engouement. Par contre je crois que c'est la recherche de nouveauté de la part des électeurs qui est grandement responsable de sa popularité. Homme de l'ère du 2.0, Coderre représente pour certains le renouveau. Pour d'autres, dont je suis, il incarne les vieilles façons de faire de la politique avec ses quelques forces et ses trop nombreuses faiblesses. S'il est élu, je lui souhaite de pouvoir faire autrement en laissant une place importante aux citoyens de la ville de Montréal qui sont désabusés et cyniques face aux élus municipaux, tous partis confondus. La tâche colossale qui l'attend lui fera sans doute regretter quelque peu son confortable siège au Parlement canadien. Cela dit,  nous, de l'électorat, n'avons d'autres choix que de laisser la chance au coureur en souhaitant que marathon détermine un vainqueur qui saura nous inclure dans sa victoire.

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Francine Laplante

Femme d'affaires



MANQUE DE CANDIDATS

Denis Coderre à la mairie. Qui serais-je pour oser critiquer sa candidature alors que je n'ai moi-même pas le courage de poser la mienne et de me lancer dans cette véritable jungle en vue de faire changer les choses ? Je trouve néanmoins plus que déplorable qu'il y ait aussi peu de candidats en lice. La tâche est immense et les défis, de taille. Tout est à reconstruire. Montréal ne se cherche pas une superstar pour faire office de maire, mais plutôt celui ou celle qui aura un plan de match structuré et sérieux, ayant comme seul objectif celui de redonner à la métropole une crédibilité à toute épreuve ! Il est minuit moins une. Montréal est à la dérive et il faudra bien plus que Facebook, Twitter et tous les autres pour relever les défis qui se présentent. Il nous faudra des idées et un leadership infaillible. Est-ce que M. Coderre est l'homme de la situation ? Permettez-moi d'en douter!

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Pierre Simard

Professeur à l'ÉNAP à Québec et fellow senior de l'Institut Fraser



UN MAIRE PAR DÉFAUT

«Montréal n'a pas besoin d'un sauveur, mais d'un chef d'orchestre». Voilà pour le slogan. Je sais, la formule entre dans les 140 caractères autorisés par Twitter, mais... reste que Gilles Vaillancourt était lui aussi, dans son genre, un sacré chef d'orchestre. Denis Coderre a toujours été un politicien flamboyant. Sera-t-il un bon maire? J'ai des doutes. Il ne suffit pas d'endosser un chandail du Canadien en public pour devenir le maire dont Montréal a besoin. Le principal problème de Denis Coderre, c'est qu'il n'est pas perçu dans la communauté comme le leader promis. Il donne l'impression d'être le candidat par défaut, le moins mauvais des candidats en lice. Même s'il mène dans les sondages, on ne décèle pas d'engouement autour de sa candidature et les élus de Québec donnent l'impression de se tenir à distance de lui. Pis encore, la Chambre de commerce de Montréal a même ignoré sa candidature potentielle en lançant un avis de recherche pour dénicher un autre candidat. Bref, Denis Coderre ne soulève l'enthousiasme de personne. Or, le problème avec un maire élu par défaut, c'est qu'il est fragile politiquement. Est-ce vraiment d'un maire continuellement en campagne électorale dont Montréal a besoin?

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Daniel Gill

Professeur agrégé à l'Institut d'urbanisme de l'Université de Montréal



MANQUE DE VISION

Malgré tout sa bonne volonté et son désir de servir la grande communauté montréalaise, force est d'admettre qu'au-delà de son discours qui se voudrait rassembleur, il n'en demeure pas moins un manque de vision.  En tant que maire d'une grande métropole, s'inscrire dans le XXIe siècle, c'est bien plus que de passer des poignées de main locales aux médias sociaux (deux domaines qu'il maîtrise très bien). C'est être en mesure de bien cerner les enjeux économiques et sociaux d'une société en profonde mutation dont les villes font actuellement les frais, pour pouvoir en dégager une vision d'avenir qui réunira le plus grand nombre d'acteurs possibles. Comme tous les candidats à la mairie, Denis Coderre s'attarde trop aux enjeux locaux de Montréal. L'avenir de Montréal repose sur sa capacité à se repositionner sur la scène internationale, sur sa capacité à rayonner et à s'intégrer à une nouvelle économie mondiale, ce à quoi s'active assez bien la ville de Québec. Malheureusement, ni lui ni les autres ne semblent avoir une vision en ce sens.   Pour rayonner il faut voir grand, actuellement on voit petit à Montréal, petites extensions de musées, petit autobus pour relier l'aéroport au centre-ville, sans compter la fermeture de Montréal et des ses quartiers sur eux-mêmes.  Comme le soulignait Pierre Veltz,  « le pire ennemi du développement local est le localisme, le provincialisme ».  Sur ce point, on ne peut prétendre qu'il se démarque des autres.

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Jana Havrankova

Médecin endocrinologue



BONNES INTENTIONS

Sans ligne du parti, en fait, sans parti, avec un financement limité, Denis Coderre se lance dans la course à la mairie. Il se voit comme un chef d'orchestre, rassembleur. Il mise sur les forces de Montréal : il a raison, elles sont nombreuses.  Denis Coderre ne croit pas à la politique municipale, mais aux devoirs de l'administration. Bravo! Il estime à juste titre qu'il y a trop d'élus, que la gouvernance de la Ville est trop éparpillée. Sans vouloir s'attaquer aux structures, il désire amener plus de cohérence dans la gestion de Montréal. (Il lui faudra cependant beaucoup de doigté pour rassembler les maires des arrondissements...)  Il souhaite mettre en place des conditions pour que les entreprises s'installent à Montréal. Ses intentions sont pleines de bon sens. Comment le tout va-t-il se concrétiser? Denis Coderre, avec sa personnalité flamboyante, pourra-t-il travailler en équipe, écouter ses collaborateurs et ses adversaires ou tentera-t-il d'imposer ses idées, bonnes ou mauvaises? Méfions-nous de l'image - qu'elle paraisse positive ou négative - et examinons attentivement ce que le candidat Coderre nous proposera concrètement durant la campagne.  Espérons qu'il utilisera également d'autres moyens que les médias sociaux : tout le monde ne twitte pas, M. Coderre!

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Yolande Cohen

Historienne à l'UQAM



PAS LE MAIRE QU'IL FAUT

Montréal vit une crise majeure qui est ressentie par bien des Montréalais qui aiment leur ville comme celle d'une administration qui a trahi leur confiance. Le profil de Denis Coderre correspond-il à celui d'un maire qui pourrait nous aider à nous sortir de cette impasse ? Certes, c'est un politicien aguerri qui a démontré ces derniers mois une habileté à préparer son atterrissage en politique municipale depuis son siège de député fédéral. Il s'active actuellement à recruter une équipe, en rapaillant les élus de feu Union Montréal, des conseillers indépendants et autres maires de banlieues. Cependant, il n'a pas encore annoncé de programme de rassemblement mobilisateur pour Montréal. Cette façon de faire m'apparaît peu porteuse des réels changements dont Montréal a besoin. En ce jour d'annonce de sa candidature, il ne me semble être pas le maire qui pourrait aider Montréal, à moins qu'il ne parvienne à se défaire de son habit d'habile politicien pour endosser celui d'un gestionnaire rigoureux et rassembleur. Je ne suis d'ailleurs pas la seule à penser ainsi : le récent sondage publié dans La Presse montre que les Montréalais, toujours divisés, ne sont pas dupes et ne veulent plus des faiseurs d'images et d'élections clés en mains, parce que le temps des sauveurs est, j'espère, révolu. Dans tous les cas de figure, le prochain maire devra composer avec la nouvelle réalité montréalaise, qui exige de nos élus qu'ils s'unissent pour assainir la gestion et l'administration de notre ville.

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Adrien Pouliot

Chef du Parti conservateur du Québec et président et chef de direction de Draco Capital



MENOTTÉ

Le nouveau maire devra d'abord préciser les missions essentielles de la Ville et déterminer les fonctions que la Ville doit absolument remplir et celles qu'elle doit abandonner.  Oui, j'ai bien écrit abandonner.  La Ville ne peut pas tout faire et ne devrait pas tenter de tout faire.  Pour les services maintenus, le nouveau maire doit avoir les outils pour livrer ceux-ci de façon plus efficace.  Or, la convention collective des employés de la Ville offre une la rémunération municipale qui est 9% plus élevée que dans le privé pour 4% moins d'heures travaillées, tout en procurant des avantages sociaux qui coûtent 40% de plus que dans le privé... sans compter une sécurité d'emploi à laquelle la plupart des contribuables ne peuvent que rêver.  C'est là que le bât blesse car le problème de Montréal n'est pas à Montréal mais bien à Québec.  Sans l'appui d'un gouvernement provincial prêt à adopter les changements législatifs nécessaires à la Charte de la Ville et aux lois du travail, le maire de Montréal, qu'il s'appelle Coderre ou un(e) autre, sera menotté et incapable d'affronter les forces du statu quo syndical pour apporter les changements requis.