La sortie de Louise Harel est tardive, mais elle est élégante. C'est vrai qu'elle a pris la meilleure décision pour Montréal.

La campagne à la mairie commence ce matin, avec l'entrée en scène de l'inattendu Marcel Côté.

Qui aurait cru qu'un jour Louise Harel, qui incarne la gauche et l'aile radicale du Parti québécois, s'effacerait pour laisser le champ libre à l'économiste Marcel Côté, fédéraliste convaincu et redresseur d'entreprises?

Cela signifie deux choses. D'abord, malgré ses prises de position tranchées, Côté a gagné le respect de plusieurs adversaires politiques au fil des ans.

Deuxièmement, la coalition anti-Coderre est fervente et traverse les lignes partisanes classiques.

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Commençons toutefois par saluer Louise Harel. On dira qu'elle n'avait pas le choix. Elle-même a reconnu qu'avec 4% de vote chez les non-francophones, elle n'avait aucune chance d'être maire de Montréal.

Elle n'avait aucune chance... mais elle avait le choix. On en a vu, des politiciens, foncer dans un mur qu'ils étaient les seuls à ne pas voir.

N'empêche: pour cette femme qui est un des meilleurs cerveaux à l'hôtel de ville, renoncer à la mairie a dû être difficile. Elle a, en effet, plus d'ambition pour Montréal que pour elle-même. Bravo.

N'allez pas croire pour autant que Marcel Côté lui a promis un poste, ou a signé une entente secrète. Louise Harel, ex-ministre de choc péquiste et mère des fusions, c'est de la nitroglycérine politique dans bien des arrondissements. Je serais bien étonné qu'on la voie faire campagne aux côtés de Marcel Côté. Il la tiendra à distance...

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La campagne commence, donc. On a trois candidats: Richard Bergeron, Denis Coderre et Marcel Côté. Pardon? Mélanie Joly? Oui, bon, environ trois candidats.

Richard Bergeron, avec Projet Montréal, est très fort dans le Plateau Mont-Royal et dans certains secteurs de Rosemont et de La Petite-Patrie, bien sûr, mais il est présent à Notre-Dame-de-Grâce, Ahuntsic et Saint-Henri également. Sauf revirement incroyable, M. Bergeron continuera d'être un excellent contributeur au débat municipal, mais il ne sera pas maire en 2013.

La bataille se fera donc entre Denis Coderre et Marcel Côté.

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Marcel Côté n'a aucune expérience politique. Dans la crise actuelle, ça peut devenir un avantage. L'homme ne doit rien à personne. Sans être multimillionnaire, il est indépendant de fortune. À 70 ans, on se doute qu'il n'est pas là pour cinq mandats.

Il n'a pas fait de politique, mais il connaît très bien les rouages de l'État. Il a coprésidé un groupe de travail sur l'avenir économique et la gouvernance à Montréal, en 2010. Il a passé sa vie d'économiste chez Secor à entrer dans des organisations, à en analyser les problèmes et à trouver des solutions.

Si on le croise en ville, il vous parlera de ses dernières lectures sur les tendances dans divers domaines. Il a manifestement une curiosité intellectuelle nettement au-dessus de la moyenne et un intérêt pour les domaines les plus éclectiques. On le voit chez Marie Chouinard comme à la chambre de commerce.

Et si vous l'apercevez en BIXI, ce n'est pas une mise en scène: Côté est un vrai urbain.

Dans un concours de personnalité à deux avec Denis Coderre, par contre, il finirait deuxième - au mieux.

Le syndrome du «smartest guy in the room» guette ceux qui débarquent en politique avec leur sac de solutions et le sentiment trop intense de leur supériorité intellectuelle. La politique est l'art du possible, de la conviction et de la séduction...

En tout cas, qu'il les présente bien ou mal, ce candidat-ci arrive avec des idées. Il a réfléchi sur Montréal.

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Le plus connu, celui qui mène, c'est bien sûr Denis Coderre. Il mène dans les sondages et sur le terrain - notamment avec l'arrivée dans son équipe de Chantal Rouleaul, la courageuse mairesse de Rivière-des-Prairies-Pointe-aux-Trembles.

L'ancien député de Bourassa a beau être un organisateur excellent, il n'a pas pour autant convaincu grand monde qu'il comprend ce que veut dire être maire de Montréal. Ou pourquoi lui, ex-député sans intérêt connu pour la question, serait l'homme de la situation. Ses entrevues sont souvent de sympathiques et sincères enfilades de lieux communs. On a l'impression qu'il a passé plus de temps à cultiver sa notoriété qu'à concevoir un projet cohérent qui soit plus que «fierté», «leadership» et «intégrité» - tarte aux pommes pour tous, en somme.

Ce n'est pas pour rien que le milieu des affaires et tant de gens restent réservés à son sujet.

Et puis, s'il n'a pas été blâmé dans le rapport Gomery, Denis Coderre a vécu ces années de près au Parti libéral du Canada. Cette image de vieux politicien lui colle encore à la peau.

Rien n'est joué. Mais on aura un vrai affrontement.