Après deux jours d'une rencontre du Conseil des ministres extraordinaire, et avec plus d'une demi-heure de retard sur l'horaire prévu, Pauline Marois s'est présentée samedi midi devant la presse parlementaire au lac Taureau pour annoncer... qu'il n'y aura pas d'élections cet automne!

La première ministre a ajouté qu'elle était très fière du travail de ses ministres, que les Québécois ne veulent pas d'élections pour le moment et qu'il reste beaucoup de pain sur la planche de son gouvernement. Grosses nouvelles!

À peine un an après son élection, un gouvernement devrait-il vraiment se taper un lac-à-l'épaule, imposer un suspense préélectoral à la population et conclure... qu'il a encore du travail à faire? Eh bien, soit, au boulot, messieurs, dames! Assez de fuites sur le projet de «Charte des valeurs». Déposez le projet de loi qu'on débatte sur du concret, pas sur des balounes. Assez d'annonces disparates, distillées selon les circonscriptions «prenables». Assez d'improvisation et de changement de cap, comme cette découverte, il y a quelques jours, après un an au pouvoir, que l'emploi doit maintenant être LA priorité du gouvernement du Québec.

Pauline Marois, qui n'a pris que deux questions de collègues qui en avaient certainement quelques autres en réserve, a insisté pour dire que le temps des élections n'est pas venu, que les Québécois s'attendent à voir leur gouvernement... gouverner. La réalité, c'est que cette rencontre au sommet aura permis au gouvernement Marois de constater l'évidence: les chiffres actuels, dans les intentions de vote, ne sont pas favorables. Pas assez en tout cas pour espérer arracher une majorité avant Noël. Dans les circonstances, gouverner, en effet, semble être une bonne idée. La seule, en fait.

Le pari des stratèges péquistes n'est pas bête. Au cours des dernières semaines, le gouvernement a proposé plusieurs plans ambitieux, pour l'emploi, pour la culture, pour Montréal, pour la recherche et l'éducation, pour l'aide aux entreprises. D'autres viendront en «solidarité sociale», un terrain connu et propice au Parti québécois (PQ), et pour l'électrification des transports, un projet qui pourrait devenir la Baie-James 2.0 au Québec et qui a le mérite d'être plus tangible que l'immense Plan Nord de Jean Charest.

En plus de ces «chantiers», pour reprendre un terme cher au PQ, le débat continuera de faire rage dans les chaumières, pendant les Fêtes, autour de la «Charte des valeurs» (à en juger par ce qu'on voit et entend depuis deux mois, il ne serait même pas surprenant que des beaufs en viennent à se taper sur la tronche dans le banc de neige après cinq ou six bières!).

Ajoutez à ça les réalisations déjà en banque du gouvernement, notamment les changements aux règles de financement des partis politiques et le règlement pacifique de la crise étudiante, et le PQ aura du matériel électoral valable dans sa besace une fois le printemps venu.

Évidemment, personne ne s'attend à des miracles au prochain budget, mais à défaut de pouvoir jouer la carte du déficit zéro en campagne électorale, Pauline Marois pourra légitimement demander aux Québécois de lui donner le mandat de continuer ses projets et réformes. À tout prendre, c'est probablement plus prometteur que de lancer les dés maintenant.

Le PQ a aussi reçu deux coups de main inespérés ces derniers jours, et ce, gracieuseté de ses deux principaux adversaires: le Parti libéral du Québec (PLQ) et le gouvernement Harper.

Depuis le temps qu'il promettait un nouveau code d'éthique révolutionnaire pour son parti, Philippe Couillard n'aura impressionné personne cette fin de semaine. Le chef du PLQ, qui avait fait de l'adoption de ce code le point fort de sa campagne à la direction, semble aujourd'hui incapable d'imposer ses vues, et le PLQ, encore une fois, se retrouve un métro en retard sur les questions chaudes d'éthique et de transparence.

M. Couillard a été élu sur des promesses de réforme, mais il paraît aujourd'hui incapable de "livrer", incapable de mettre son pied à terre. On appelle cela échouer à un test de leadership.

Le chef du PLQ affirme qu'il veut laisser son parti débattre, mais le fait est que si nous avions dû partir en campagne électorale cet automne, le PLQ n'aurait pas eu son nouveau code d'éthique.

L'autre «cadeau» au PQ est venu d'Ottawa, du gouvernement Harper plus précisément, qui vient d'offrir un nouveau front fédéral-provincial avec la contestation juridique de la règle du 50% + 1, avec la nomination controversée d'un nouveau juge à la Cour suprême, avec l'opposition à la «Charte des valeurs québécoises» et avec la réforme d'un Sénat malmené. Mme Marois a aussi ajouté, ce qui est de bonne guerre, les négos difficiles autour du nouveau pont Champlain et le partage des factures pour la remise sur pied de Lac-Mégantic.

Pour ces deux dossiers, pas de souci, ils perdureront assurément. Ça fait plusieurs années que Québec et Ottawa discutent des ponts enjambant la Voie maritime. Quant aux dépenses après désastre, sachez que le litige du grand verglas de 98 n'est toujours pas réglé...