Avec le départ, annoncé lundi, de Raymond Bachand, on comprend mieux pourquoi Philippe Couillard a annoncé dès la semaine dernière, avant même la rentrée politique, qu'il jetait son dévolu sur la circonscription de Roberval et que c'est là qu'il comptait se présenter aux élections générales, même si des circonscriptions devaient devenir disponibles d'ici là.

Comme tous ses députés (et comme une bonne partie de la faune politique québécoise), le chef libéral savait que Raymond Bachand ne reviendrait pas à l'Assemblée nationale, et comme il subissait déjà des pressions du PQ et de la CAQ pour se présenter dans la circonscription de Viau (laissée vacante par le départ d'Emmanuel Dubourg), il ne voulait pas, en plus, se faire pousser dans le dos pour aller dans Outremont.

Pourtant, Outremont serait un point de chute naturel pour Philippe Couillard. La circonscription englobe l'Université de Montréal, alma mater de M. Couillard et de son père. De plus, il s'agit d'un siège sûr, surtout pour un chef libéral.

Philippe Couillard a toutefois décidé de relever un défi plus ardu ailleurs, dans Roberval, où se trouve sa résidence, et il n'est visiblement pas pressé de retourner à l'Assemblée nationale. C'est audacieux de sa part de se présenter dans une circonscription péquiste, mais cela n'empêchera pas Pauline Marois et François Legault de dire que la place du chef de l'opposition officielle est à l'Assemblée nationale. Dans les rangs péquistes et caquistes, on traite même M. Couillard de "pissou" ces jours-ci parce qu'il refuse de se présenter dans Viau et, maintenant, dans Outremont.

Quoi qu'en disent ses adversaires, le chef libéral est libre de ses décisions en ce moment, et combien d'électeurs lui en voudront, aux prochaines élections, de ne pas avoir siégé à l'Assemblée nationale? Le PLQ, contre toute attente, est premier dans les sondages et son chef semble avoir la cote.

Le départ de MM. Dubourg et Bachand pose toutefois un problème de taille pour le chef libéral.

Pour n'importe quel chef politique, devoir remplacer deux députés démissionnaires dans des circonscriptions sûres devrait être une aubaine, surtout devant un gouvernement minoritaire, mais pour Viau et Outremont, Philippe Couillard doit démontrer qu'il peut renouveler son parti et recruter hors de la traditionnelle filière et des apparatchiks qui attendent patiemment leur tour (ou leur retour) depuis des mois ou des années. Il ne sert pas à grand-chose de renouveler le programme et le discours d'un parti si ce sont toujours les mêmes visages prévisibles qui les présentent. Après la fin cahoteuse de l'ère Charest, Philippe Couillard doit faire une cassure et repartir avec du neuf.

Le nom de l'ancien député Alain Paquet, battu dans Laval-des-Rapides le 4 septembre par Léo Bureau-Blouin, circule depuis des mois pour Outremont. Certains disent même que M. Couillard a promis Outremont à M. Paquet, un supporter de la première heure durant la course à la direction contre Raymond Bachand et Pierre Moreau. La perspective de voir un ancien député battu (qui n'a été que ministre junior) se représenter dans une circonscription phare comme Outremont déplaît fortement à plusieurs libéraux, qui veulent du sang neuf et prestigieux en vue des générales.

Ces jours-ci, le nom de David Heurtel, PDG du Parc olympique, circule dans les rangs libéraux. L'homme est brillant, dit-on, visionnaire, énergique et surtout, «politiquement vierge».

Dans l'immédiat, M. Couillard doit ressouder son équipe économique et financière en vue de la rentrée. Il a annoncé hier la nomination de Pierre Paradis au poste de critique en Finances, un choix évidemment plus politique que financier. Il est généralement acquis sur la colline parlementaire à Québec que le ministre des Finances, Nicolas Marceau, n'est pas un maillon fort du gouvernement Marois alors que Pierre Paradis, lui, connaît tous les trucs de la joute. Et depuis le temps qu'il ronge son frein, il doit avoir faim!

Ce retour en force du mouton noir de l'ère Charest risque toutefois de déplaire aux députés économiques du caucus libéral, dont Pierre Arcand et Sam Hamad. Un autre défi de gestion interne pour Philippe Couillard.

Autre problème en vue pour le chef libéral: Raymond Bachand partira-t-il avec son allocation de transition (autour de 150 000$) comme Emmanuel Dubourg?

M. Bachand, qui a joué le tout pour le tout en se lançant dans la course à la direction et qui a perdu, acceptera-t-il, en plus, de laisser 150 000$ sur la table alors que d'autres, dont son chef, n'ont pas eu à y renoncer?