Quand Donald Trump s'est présenté à l'investiture du Parti républicain, tout le monde a souri. Bon ! Ça va être drôle ! Personne n'a cru qu'il pouvait être un joueur important. Avec sa chevelure orange, il pouvait au mieux être le Youppi du parti. Trump, la mascotte. Distrayant, mais incapable de marquer des points.

Il a lancé sa campagne en disant une énormité : « Quand le Mexique nous envoie ces gens, ils n'envoient pas les meilleurs d'entre eux. Ce sont des drogués. Ce sont des criminels. Ce sont des violeurs. » Rien que ça ! Subtil comme un truck. Sa solution pour contrer l'immigration des Mexicains : bâtir un mur le long de la frontière dont le coût serait assumé par le Mexique. Ben sûr ! No problémo, le Mexique a juste ça à faire, payer le mur de son voisin.

Toute l'incapacité du milliardaire à se hisser au rang d'homme d'État était contenue dans cette déclaration. Insulter un peuple en entier et proposer un mur de la honte. Le beau programme. Les commentateurs étaient certains : son chien était mort. Étonnamment, selon les premiers sondages, son chien courait encore. Ah bon ? Ça ne pouvait être qu'une question de temps, dès la prochaine bourde, son cas allait être réglé.

Des bourdes, c'est pas ça qui a manqué. Donald en fait une par jour. Des déclarations tellement grossières qu'elles mettraient fin aux ambitions politiques de n'importe qui. N'importe qui, sauf Donald.

À propos d'Hillary Clinton, il a tweeté : « Comment peut-elle satisfaire son pays si elle ne satisfait pas son mari ? » À propos de la journaliste de Fox News Megyn Kelly, il a dit qu'elle lui avait posé des questions injustes parce qu'elle avait ses règles : « On pouvait voir du sang sortir de ses yeux, du sang sortir de son... où que ce soit. » À côté de Donald Trump, Mike Ward a l'air de Charles Tisseyre.

Ses remarques racistes, ses remarques misogynes, ses propos haineux ne lui font pas perdre d'appuis. Au contraire. Plus on parle de lui, plus on veut voter pour lui.

Plus Donald Trump dit n'importe quoi, plus il convainc n'importe qui. Et il le sait. La semaine dernière, il a déclaré : « Je pourrais me placer au milieu de la 5e Avenue à New York et tirer sur quelqu'un, ça ne me ferait pas perdre un seul électeur. » Capoté ! Un candidat à la présidence des États-Unis qui se compare à un tireur fou. Imaginez si Hillary Clinton avait dit ça. Adieu, la Maison-Blanche. Bonjour, la Résidence Soleil. Mais avec le Donald, ça passe. Parce qu'il a raison. Depuis des mois, Trump est au milieu de la 5e Avenue à New York et il tire des insanités sans perdre aucun électeur. Au contraire, il en gagne.

Pourquoi ? Parce que Trump est sur son terrain. En politique, c'est peut-être un néophyte, mais une course à la chefferie, ce n'est pas de la politique, c'est un concours de popularité. Et les concours de popularité, c'est sa vie. Donald Trump est Miss Univers. Ses opposants ne font pas le poids. Plus il scandalise, plus on se l'arrache. Les humoristes s'en moquent, mais ils sont les premiers à l'inviter chez eux. Trump fait la tournée de tous les talk-shows. Et partout, c'est lui qui rit le dernier. Saturday Night Live l'imite et le tourne en dérision, mais c'est quand le vrai est là pour vrai que Saturday Night Live enregistre ses meilleures cotes d'écoute. Et on rit avec lui.

Tout le problème est là. Personne n'a peur de Donald Trump. Ses fans le voient comme un Messie. Et ceux que ses propos choquent le voient comme un bouffon.

Il n'y a personne pour le remettre en question. Personne pour mettre ses argumentaires en pièces. Personne pour faire réaliser le danger qu'il représente. Ses rivaux à l'investiture républicaine jouent les seconds rôles dans le Donald Trump Show. Quand ils parlent, c'est encore lui qu'on regarde. Il gesticule. Il soupire. Il grimace. Donald Trump fascine même ceux qui ne pensent pas comme lui.

Ça fait des mois qu'on annonce l'éclatement de sa balloune. Et la balloune tient autant que son toupet. À la nouvelle loterie politique de Loto-Québec, Trump est le mieux coté pour devenir le candidat républicain aux élections présidentielles. Les experts ont beau dire que ça n'arrivera pas, l'argent pense le contraire.

Donald Trump est l'incarnation de la politique spectacle. C'est Frank Underwood de House of Cards devenu réalité.

Il y a huit ans, Obama a fait rêver l'Amérique. Il promettait la pureté, l'égalité, l'espoir. Huit ans plus tard, rien n'a changé.

L'Amérique est immunisée contre les belles paroles. Ça ne la convainc plus. Trump promet la puissance, le cash et la gloire. Bref ce qui convainc les désespérés. Ce qui convainc ceux qui ne croient plus en rien.

On n'a peur de rien quand on croit que le pire est déjà arrivé.

Pourtant, le propre d'un empire, c'est d'empirer.