Et si quelqu'un à la Sûreté du Québec avait appelé l'avocat de M. Harding: bonjour, Me Walsh, pourriez-vous vous présenter avec votre client à 9h demain matin au poste de la SQ de Dunham? Nous procéderons à son arrestation, il sera ensuite conduit à Lac-Mégantic, où il sera formellement accusé de négligence criminelle.

Cela ne se fait pas? Cela aurait dû se faire quand même.

Cela fait des mois, de toute façon, que Me Walsh a prévenu son client, l'a préparé à ce qui allait arriver, lui a expliqué comment cela se passerait, l'arrestation, la nuit en prison, la caution, la mise en liberté...

Au lieu de cela, la SQ a monté une opération genre ben Laden. Une dizaine de policiers lourdement armés se sont déployés autour de la maison de M. Harding, se sont rués sur lui quand il est sorti dans sa cour, l'ont aplati sur le sol, devant sa famille. Tout cela, paraît-il, pour éviter un bain de sang, mais surtout parce qu'on craignait qu'il se suicide.

Mis en liberté le lendemain, qui l'empêchera de se suicider d'ici son lointain procès, s'il en a envie?

M. Harding est un honnête homme qui a probablement commis une faute professionnelle. Le jury aura à décider si c'est bien cette faute-là qui a coûté la vie à 47 personnes.

Non, je ne vais pas vous dire que ce n'est pas lui, le vrai coupable. Je ne parlerai pas de la responsabilité de MMA et de son président, ni de celle du gouvernement canadien, c'est un autre débat qui n'a rien à voir. Le 6 juillet, ce n'est pas M. Edward Burkhardt, alors président de MMA, ce n'est pas M. Harper non plus qui n'ont pas mis suffisamment de freins manuels sur suffisamment de wagons.

Il faut bien que ce soit Tom Harding. La preuve est sûrement dans la boîte noire de la locomotive. La boîte dira si, après avoir serré les freins manuels sur un certain nombre de wagons, Tom Harding est bien remonté dans la locomotive et a bien vérifié, en désactivant le frein de la locomotive, si son convoi était parfaitement immobilisé. Elle dira même, la boîte noire, combien de temps Tom Harding a attendu pour être sûr que son train ne bougeait pas.

Toute la preuve est dans cet «incertain» nombre de wagons sur lesquels le frein manuel était serré. Combien de wagons?

Probablement comme d'habitude.

Pourquoi M. Harding aurait-il dérogé à sa routine? On le connaît comme un bon conducteur, sobre bien sûr, méthodique comme le sont par nécessité les hommes de rail, ce n'est pas la première fois qu'il immobilisait son train à Nantes. Peut-être la centième. Ce soir-là, il aura serré le frein à main sur le même nombre de wagons que d'habitude, en laissant tourner le moteur de la locomotive, ce qui ajoutait le frein hydraulique aux freins manuels sur les wagons.

Sauf que ce soir-là, après que M. Harding est parti se coucher, il y a eu un feu dans le moteur de la locomotive. Rien de majeur. Les pompiers sont intervenus en arrêtant d'abord le moteur, bien sûr. Le moteur coupé, le frein hydraulique se serait tranquillement désactivé. Une heure après le départ des pompiers, le convoi s'ébranlait, seul, vers la catastrophe que l'on sait.

Ce serait la faute des pompiers, alors? Pas du tout. MMA ou pas, le règlement est clair: suffisamment de freins manuels doivent être bloqués sur suffisamment de wagons pour que le convoi n'avance pas d'un centimètre, freins hydrauliques désactivés ou non.

Le procès dira sur combien de wagons Tom Harding a serré le frein manuel. Surtout, la boîte noire dira s'il a bien vérifié que cela était suffisant.

M. Harding est un honnête homme qui a probablement commis une faute professionnelle, mais même si le jury décide que c'est bien cette faute-là qui a coûté la vie à 47 personnes, cela ne fera pas de M. Harding un tueur de 47 personnes. Cela fera de M. Harding un honnête homme qui aura commis une faute. Cela fait déjà de M. Harding la 48e victime.

Gaititude

Les Rams de Los Angeles venaient de repêcher Michael Sam, qui s'est précipité dans les bras de son chum, ils se sont embrassés (sur la bouche, voui madame, je les ai vus à NBC), et c'est parti aussitôt en grand sur les réseaux sociaux, des commentaires qui, si je les résume, disaient en gros: on veut bien qu'il soit gai, mais était-il obligé d'embrasser son chum sur la bouche, il y a des enfants qui regardent...

Moi aussi, j'en ai contre les becs «get-a-room» que se donnent parfois les gais à la caméra, moins par amour que par provocation. C'était pas du tout le cas ici, juste un bec joyeux sans la langue, un bec comme les hétéros s'en donnent plein en public, ce qui m'a choqué, c'est la caméra: qu'est-ce qu'elle foutait dans l'intimité de leur garçonnière?

Anyway, c'est fait, le premier joueur ouvertement homosexuel vient de faire son entrée dans la très macho NFL par la porte de service d'un très modeste 249e choix au repêchage (septième tour). De là à dire que Michael Sam jouera un jour dans la NFL, rien n'est moins sûr... Miguel (mon chroniqueur de football préféré) me dit que c'est le genre de joueur - rien à voir avec sa gaititude -, le genre trop petit pour jouer comme ailier défensif dans la NFL, et pas assez rapide comme secondeur. Bref, le genre qui finit par se retrouver dans... la Ligue canadienne.

Ailier défensif à Regina? Faut aimer le football plus que son chum!