Faut-il s'étonner qu'aucune décision n'ait encore été prise dans le dossier de l'expansion? Pas du tout! Les répercussions seront majeures et une analyse approfondie est nécessaire avant de trancher. Examinons les scénarios possibles.

Scénario 1

Feu vert à Québec et Las Vegas

Les deux villes candidates obtiennent une équipe et tout le monde est content. C'est l'hypothèse la moins controversée. La LNH touche 1 milliard US en frais d'expansion, Québec et Las Vegas débouchent le champagne et l'Association des joueurs compte 50 nouveaux membres.

Seul bémol: les revenus nationaux de la LNH sont maintenant divisés en 32 parts plutôt que 30. Mais puisqu'ils sont moins élevés que dans la NFL, la NBA ou le baseball majeur, l'impact est relativement modeste.

Trois inquiétudes, cependant. D'abord, après l'effervescence initiale, l'équipe de Las Vegas demeurera-t-elle populaire? Ensuite, le marché de Québec permettra-t-il aux néo-Nordiques de boucler leurs frais? Enfin, comment éviter que les deux clubs végètent au bas du classement plusieurs saisons, ce qui minerait leurs chances de réussite financière?

Scénario 2

Une seule équipe d'expansion

Désolé, je ne crois pas à la possibilité que Québec soit accepté et Las Vegas refusé. L'inverse, en revanche, est possible.

Ce serait la joie à Vegas, mais la LNH se retrouverait avec un costaud problème de relations publiques au Canada. Comment justifier cette nouvelle incursion dans le sud des États-Unis, où trois équipes (Caroline, Floride et Arizona) éprouvent des ennuis, alors qu'on repousse Québec et sa riche tradition de hockey? Bettman sera de nouveau accusé de mépriser le Canada, une réputation dont il s'est en partie défait au retour des Jets de Winnipeg.

Si la LNH invoque l'équilibre géographique entre les deux Associations pour justifier cette décision, seuls les plus naïfs la croiront. Ces choses-là s'arrangent, comme le circuit l'a souvent démontré.

Au Québec, le débat sera féroce: fallait-il investir près de 400 millions pour un nouvel amphithéâtre? La LNH a-t-elle fait une croix sur Québec parce qu'elle estime le marché trop modeste? Bettman voulait-il comme partenaire Pierre Karl Péladeau, propriétaire de Québecor, avec qui les relations ont été tendues avant le rapprochement des dernières années? Bref, on ouvre une boîte de Pandore!

Les plus optimistes diront : attendez, après la construction de son nouvel édifice, Winnipeg a patienté sept ans pour retrouver ses Jets. Ils ajouteront que la LNH lancera peut-être un nouveau processus d'expansion dans un avenir pas trop lointain. L'ennui, c'est que Seattle risque d'être candidate à ce moment...

Pour Québec, ce scénario est consternant.

Scénario 3

Québec et Las Vegas recalés

Pour Québec, il s'agirait d'une immense déception. Mais Las Vegas étant aussi écarté, le coup ferait moins mal. Au moins, la LNH traiterait équitablement les deux candidatures.

Une fois le choc encaissé, l'espoir renaîtrait dans la capitale. On évoquerait la possibilité qu'une équipe en difficulté déménage un jour au Centre Vidéotron. Et puis, compte tenu de la valeur du huard, attendre quelques années supplémentaires n'est peut-être pas une mauvaise chose...

En revanche, le groupe de Las Vegas serait furieux! On rappellerait à Gary Bettman qu'il a participé au lancement de la campagne visant à vendre 13 500 abonnements de saison, donnant ainsi un signal clair de ses intentions. On répéterait que cet objectif a été atteint. Bref, le commissaire serait sur la sellette.

Ce n'est pas tout: si Québec et Las Vegas étaient refusés, la LNH ferait face à un déficit de crédibilité: tout ça pour ça?

Cela dit, la perspective que la LNH fasse l'impasse sur tous les revenus d'expansion me semble difficile à envisager.

***

Voilà pour les scénarios de base. Mais juste pour le plaisir, compliquons un peu l'affaire en supposant que les Hurricanes de la Caroline, ou une autre équipe américaine, souhaiteraient s'établir dans une nouvelle ville. Comment conjuguer transfert de concession et expansion =?

Option 1

D'abord l'expansion, ensuite le transfert

Sur le plan financier, la LNH aurait avantage à accorder des clubs d'expansion à Québec et Las Vegas avant d'autoriser un déménagement. En plus du milliard versé par ces deux villes, elle encaisserait ensuite des «frais de transfert» de plusieurs dizaines de millions.

Cette relocalisation pourrait avoir lieu un an après l'expansion et permettrait, par exemple, de doter Seattle d'une équipe, le grand rêve de Gary Bettman et de son adjoint Bill Daly.

Option 2

Expansion (Québec ou Las Vegas) et transfert (Québec ou Las Vegas)

Sur papier, l'idée est intéressante. Mais si une équipe existante aboutit à Québec, comment réagira Las Vegas? Le groupe de Bill Foley aura raison d'interpeller la LNH: «Hé, on paie 500 millions US pour un club de l'expansion qui ne participera pas aux séries avant quatre ou cinq ans, et Québec obtient une concession déjà mature. Ça ne fonctionne pas!»

Réaction identique à Québec si on se retrouvait au mauvais bout de l'équation. Au point de vue de l'équité, la LNH pourrait difficilement mener les deux opérations en même temps. À moins de dissoudre l'équipe voulant déménager et diviser ses joueurs entre les clubs des deux nouvelles villes. Mais cette solution, profitable à ces derniers, n'emballerait sûrement pas la LNH et l'Association des joueurs.

Option 3

Un transfert, pas d'expansion

La LNH, préférant consolider sa situation, renonce à l'expansion et se contente de déménager une équipe, empochant ainsi des frais de transfert. C'est beaucoup moins que 1 milliard US, mais la somme serait appréciable.

Si les Hurricanes, par exemple, prenaient la route de Las Vegas, la LNH préserverait son nombre d'équipes aux États-Unis. Et les deux Associations aligneraient 15 clubs chacune, réglant ainsi un irritant.

Quant à la perspective qu'une concession américaine déménage au Canada sans qu'il y ait d'expansion, je n'y crois pas. Diminuer le nombre d'équipes aux États-Unis pour l'augmenter au nord de la frontière n'est pas une solution acceptable pour la LNH.

Conclusion

Gary Bettman et le comité exécutif de la LNH trancheront dans les prochains mois. Mais il est normal qu'ils prennent leur temps. Le dossier est délicat.