Joey Saputo n'avait pas l'allure triomphante, lundi matin, à l'ouverture du camp d'entraînement de l'Impact. Au-delà du soulagement ressenti par le règlement du dossier Drogba, l'épisode l'a éprouvé.

Pour bien comprendre sa réaction, il faut retourner à la mi-novembre dernier, lorsque l'organisation a dressé son bilan annuel. Ce jour-là, malgré l'élimination des siens quelques jours plus tôt, le propriétaire de l'Impact était de splendide humeur.

Pour la première fois depuis les débuts de l'équipe en Major League Soccer (MLS), une saison prenait fin dans la sérénité. Imaginez: du succès sur le terrain, des gradins remplis durant plusieurs matchs, un entraîneur (Mauro Biello) apprécié des joueurs et populaire auprès des partisans, un joueur-vedette (Didier Drogba) heureux dans sa ville d'accueil et une campagne de vente d'abonnements saisonniers bien lancée... Méchant contraste avec les trois automnes précédents, tous marqués par des déceptions.

Avec raison, Joey Saputo envisageait la suite des choses avec optimisme. Conscient du travail à accomplir, il s'autorisa néanmoins ce commentaire révélateur: «Nous pouvons être fiers de notre parcours!»

Cinq semaines plus tard, le ciel lui est tombé sur la tête, sans qu'il n'en soit le moindrement responsable. Drogba songeait à accepter une offre inattendue de Chelsea FC, qui lui proposait une place au sein de son personnel d'encadrement. Pis encore: c'est par les médias qu'il apprit la nouvelle. Ni l'équipe anglaise ni Drogba ne le prévinrent de l'affaire. 

Le message était clair: dans l'univers coupe-gorge du soccer international, l'Impact se situait au bas de la chaîne alimentaire.

Joey Saputo s'est alors mis au travail et a tenu son bout. Le dossier a gâché ses vacances de Noël, mais il a obtenu l'appui de la MLS et de la Fédération internationale de football (FIFA). À Drogba de respecter son contrat avec l'Impact. En analyse finale, Chelsea FC refusant de verser une compensation en retour de sa libération, le numéro 11 s'est rendu à l'évidence: il devait reprendre du service à Montréal en 2016.

Le fait que Chelsea FC agisse de manière aussi condescendante a fait mal à Saputo. D'autant plus que l'été dernier, l'organisation a multiplié les efforts pour accueillir avec tous les honneurs cette mythique équipe, qui s'est entraînée deux semaines à Montréal. Tenez, l'Impact a pesé sur l'accélérateur afin que le vestiaire principal de la Caserne, son nouveau site d'entraînement, soit prêt en temps.

Lundi, Saputo a eu un commentaire coup-de-poing à propos de Chelsea FC. «Parfois, on voit des institutions de loin et on pense certaines choses. Mais quand tu les vois de proche, ça change un petit peu...»

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Qu'on le veuille ou non, le différend des dernières semaines laissera des traces durant un certain temps. D'un côté, en plus de gérer une crise inattendue, l'Impact a craint que l'année 2016 s'amorce dans la catastrophe; de l'autre, Drogba souhaitait se retrouver à Chelsea.

Dans les circonstances, Joey Saputo se montre prudent lorsqu'on lui demande dans quel état d'esprit son joueur-vedette rejoindra ses coéquipiers en Floride, à la mi-février. «C'est un professionnel et je m'attends à ce qu'il revienne avec les bonnes intentions. Mais au bout du compte, on verra à son retour.»

De la même façon, Joey Saputo ignore si sa relation avec Drogba, jusque-là excellente, sera touchée par cette histoire. Mais un homme averti en valant deux, il est clair que l'organisation redoublera d'efforts en vue de renforcer l'attaque. Il faut préparer l'après-Drogba en vue de la saison 2017, bien sûr. Mais ne soyons pas étonnés si l'équipe annonce l'embauche d'un autre marqueur dès cet été.

Cela dit, l'Impact garde espoir que le sens de la compétition et l'amour du jeu qui ont défini la carrière de Drogba lui feront oublier sa déception. Et que 21 000 spectateurs enthousiastes célébreront ses buts au stade Saputo durant la saison. Reste à voir si ce scénario idéal se concrétisera.

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Sur le plan des relations publiques, l'Impact a évité le pire dans cette affaire. La période du 15 décembre au 15 janvier est historiquement la plus calme pour l'organisation. Quelques billets et quelques articles souvenirs sont offerts en cadeaux de Noël, mais il ne s'agit pas de semaines-clés au chapitre des ventes.

En fait, en vue du calendrier 2016, le gros coup a été donné l'automne dernier. L'Impact, dont le nombre de billets de saison a chuté à 6000 en 2015, a retrouvé le niveau de ses trois premières saisons en MLS, soit 8000. On est encore loin des 11 000 espérés (la moyenne en MLS), mais la tendance est encourageante.

À Montréal, le premier match du calendrier aura lieu le 12 mars au Stade olympique. Dans un monde idéal, Drogba participerait à l'affrontement même s'il est disputé sur une surface synthétique. Et une foule de 50 000 personnes assisterait à la rencontre!

Un tel succès ferait évidemment le bonheur de l'organisation. Mais celle-ci souhaite surtout attirer des salles combles au stade Saputo. Car les coups d'éclat sans lendemain nuisent au moral.

Ainsi, en avril dernier, 61 000 partisans ont encouragé l'Impact en finale de la Ligue des champions CONCACAF, au Stade olympique. L'Impact croyait être sur une lancée. En mai, la désillusion a été cruelle. Aucun des trois matchs suivants au stade Saputo n'a attiré 15 000 spectateurs. Et cela, malgré des promotions importantes.

Avec un Drogba en pleine forme, heureux de retrouver ses coéquipiers, l'Impact pourrait éviter ce genre de contrariété en 2016. Voilà qui rendrait Joey Saputo plus souriant que lundi.