Le retour de Didier Drogba en vue de la saison 2016 est une excellente nouvelle pour l'Impact. En revanche, une incertitude demeure: dans quel état d'esprit le numéro 11 reprend-il du service?

Si Drogba affiche la même attitude que l'an dernier, l'Impact connaîtra une saison formidable. Malgré ses 38 ans - il les célébrera le 11 mars prochain -, il sera de nouveau un des meilleurs joueurs de Major League Soccer (MLS).

Les succès de Drogba dès son arrivée avec l'Impact en août dernier ont démontré qu'il n'avait rien perdu de son formidable talent. Heureux dans sa ville d'accueil, ses performances inspirées ont donné un formidable élan au club. Il est sûrement capable de les répéter.

Mais si Drogba revient à Montréal sans enthousiasme, uniquement parce qu'il se sent coincé, l'affaire prendra une mauvaise tournure. Sa forte personnalité donne le ton dans le vestiaire de l'équipe.

Un Drogba boudeur minerait le moral de ses coéquipiers et causerait des maux de tête à l'entraîneur Mauro Biello. Dans une équipe professionnelle, si le leader n'est pas heureux, les conséquences négatives sont inévitables. C'est encore plus vrai lorsque cette star est une légende de son sport, dont la carrière est suivie aux quatre coins du monde.

Pour l'instant, nous n'avons aucune indication de l'humeur de Drogba. Mais son message sur Twitter dimanche, annonçant qu'il reprendrait la forme au Qatar en vue de la saison de l'Impact, ne se démarquait pas par son entrain. Aucun clin d'oeil à la direction du club, à ses coéquipiers ou aux partisans.

La réaction de l'Impact n'a pas été plus chaleureuse. Un communiqué sobre a été publié en matinée sous le titre: «L'Impact amorce son camp d'entraînement lundi». Ce n'est pas avant le quatrième paragraphe que la nouvelle concernant Drogba a été mentionnée!

Compte tenu de l'intérêt suscité par l'affaire Drogba au cours des dernières semaines, et de ses immenses répercussions sur l'ensemble de l'organisation, cette réserve est intrigante.

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Ne nous contons pas d'histoires: il y a deux semaines, le premier choix de Drogba n'était pas d'enfiler de nouveau le maillot bleu-blanc-noir.

Dans ses conversations initiales avec Joey Saputo, après que l'équipe de Chelsea eut manifesté l'intention de l'intégrer à son personnel d'entraîneurs, Drogba n'a jamais évoqué la possibilité de revenir au jeu. Dans sa tête, le choix était fait. Il rejoindrait «son» club, celui au sein duquel il a vécu ses plus fortes émotions sportives. Les portes s'ouvraient devant lui et c'est en héros qu'il rentrerait à Stamford Bridge, quartier général de Chelsea.

À ce moment, Drogba souhaitait être libéré de son contrat avec l'Impact. Il a rappelé à Joey Saputo les services qu'il avait rendus à l'Impact en une demi-saison, en retour d'un salaire largement inférieur à sa contribution.

Le propriétaire de l'Impact, avec délicatesse mais fermeté, lui a rappelé qu'un contrat est un contrat. Et que la saison 2016 de l'équipe, sur les plans sportif et marketing, avait été planifiée autour de sa présence. En clair, s'il ne revenait pas à Montréal, il s'agirait d'un terrible retournement de situation pour l'organisation. Assez pour choquer les partisans et gâcher la saison.

Pour la MLS aussi, le non-respect du contrat envoyait un mauvais signal. Le circuit nord-américain est jeune et établit peu à peu sa réputation dans le football international. Il ne peut donner l'image d'une ligue subalterne de la Premier League anglaise, que les joueurs peuvent quitter à leur gré.

Pour Joey Saputo et l'Impact, ce différend avec Drogba représentait une situation délicate. Comment éviter de passer pour les méchants de l'affaire? Comment s'opposer au retour de cette immense vedette au sein d'une organisation mythique, Chelsea, où ses racines sont si profondes?

Au bout du compte, Chelsea semble avoir refusé de discuter d'une compensation sérieuse en retour de la libération de Drogba. Qui sait: peut-être qu'une somme de 2 à 3 millions aurait permis de faire avancer le dossier. Dans les circonstances, l'Impact et la MLS ont eu raison de se tenir debout.

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Selon des informations ayant circulé l'an dernier, Drogba serait payé 2,5 millions US en 2016. Cette somme, si elle est confirmée, représente une aubaine pour l'Impact.

Oui, Drogba a signé ce contrat en pleine connaissance de cause. Mais peut-être que l'Impact devrait envisager de bonifier l'entente. Qui aurait pensé que son influence sur l'équipe serait aussi déterminante? D'autant plus qu'une dizaine de joueurs du circuit gagnent davantage. Quatre d'entre eux empochent même plus de 6 millions US par saison. L'attaquant vedette de l'Impact ne l'ignore pas.

Chose certaine, si la participation de Drogba au camp d'entraînement est un développement très positif, il serait illusoire de croire qu'elle règle définitivement le dossier. L'organisation devra s'assurer qu'il est dans de bonnes dispositions lorsqu'il rejoindra ses coéquipiers en Floride à la mi-février. Joey Saputo et sa garde rapprochée devront faire preuve de doigté pour gérer efficacement la situation.

L'Impact doit maintenant espérer que Drogba tourne la page sur son rendez-vous raté avec Chelsea et retrouve le plaisir de jouer. Après tout, puisque sa carrière sur le terrain achève, aussi bien savourer jusqu'au bout le plaisir de marquer des buts. Il aura ensuite tout le temps de faire sa marque comme entraîneur.