La politique olympique, avec ses intrigues, ses alliances et ses surprises, occupera le coeur de l'actualité sportive au cours des prochains jours.

Réunis à Buenos Aires, les 103 membres du Comité international olympique (CIO) choisiront aujourd'hui la ville hôtesse des Jeux d'été de 2020, convoités par Madrid, Istanbul et Tokyo. Demain, ils décideront si la lutte demeurera au programme des compétitions ou si elle cédera sa place au squash ou au baseball/softball.

Mardi, dans ce qui sera en quelque sorte le conclave du CIO, ils éliront le successeur de Jacques Rogge à la tête de l'organisme. Le futur président deviendra du coup la personne la plus influente du sport mondial.

Deux Canadiens comptent parmi les membres ayant le droit de vote: l'avocat montréalais Richard Pound et l'ex-fondeuse Becky Scott.

Les décisions prises en Argentine auront un impact majeur sur l'évolution du mouvement olympique. À l'heure actuelle, la ville de Madrid semble légèrement favorite pour l'obtention les Jeux de 2020. La lutte est en bonne position pour conserver à l'arraché son statut olympique, et l'Allemand Thomas Bach possède une longueur d'avance sur ses cinq adversaires à la présidence du CIO.

Mais rien n'est joué. Dans ce monde où les décisions sont prises derrière des portes closes et où les jeux de coulisses sont nombreux, les coups de théâtre demeurent possibles. On l'a bien vu lorsque la lutte a été exclue du noyau des 25 sports des Jeux d'été, en février dernier. Ce choix inattendu oblige aujourd'hui les dirigeants de cette Fédération à se battre pour conserver leurs acquis.

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Pour la Turquie, organiser les Jeux de 2020 représenterait une extraordinaire reconnaissance internationale. Le pays souhaite affirmer son rôle en Europe et dans le monde.

Dans ses arguments de vente, Istanbul joue la carte de la nouveauté. Elle serait la première ville à présenter des Jeux sur deux continents, l'Europe et l'Asie, et la première nation en majorité musulmane à accueillir la famille olympique. Elle rappelle aussi que près de 50% de sa population est âgée de moins de 25 ans.

En revanche, le comité organisateur n'évoque guère les événements de la place Taksim, en juin dernier, lorsque des protestations ont été durement réprimées par les forces de l'ordre.

La Turquie, qui a connu un boom économique au cours des dernières années, prévoit des dépenses gigantesques si elle obtient les Jeux. Le budget d'infrastructures de 19 milliards est très largement supérieur à celui de ses concurrentes.

Tokyo a aussi ficelé un solide dossier. Mais les conséquences de l'accident nucléaire de Fukushima suscitent toujours l'inquiétude. La présentation des Jeux d'hiver de 2018 dans un autre pays d'Asie, la Corée du Sud, pourrait aussi désavantager le Japon.

Quant à l'Espagne, ses difficultés économiques sont bien documentées. Le gouvernement soutient que l'obtention des Jeux contribuerait à la relance du pays. Madrid compte déjà sur de nombreuses installations sportives de premier plan, ce qui réduirait les coûts de construction. Une facture acceptable pourrait aider la ville à remporter le morceau.

Walter Sieber, un Québécois qui navigue au sein du mouvement olympique depuis 40 ans, sait que le résultat du vote est imprévisible. «Les membres sont plus individualistes qu'avant, dit-il. Il y a plus d'athlètes et de jeunes parmi eux. Le choix de la ville hôtesse est une décision qui leur appartient et ils veulent conserver leur indépendance.»

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Dimanche, le CIO décidera si la lutte sera du programme des Jeux de 2020. (Sa place à Rio en 2016 est acquise.)

Il serait très étonnant que le squash ou le baseball/softball la devancent au fil d'arrivée. Plus tôt cette année, la mise en ballottage de la lutte a provoqué une levée de boucliers aux quatre coins du monde.

Sur ce sujet, les États-Unis, la Russie et l'Iran sont dans le même camp. Il serait ironique que le CIO, qui souhaite favoriser l'entente entre les peuples, s'oppose à pareille unanimité.

Cela dit, une victoire de la lutte forcerait le CIO à revoir ses plans, puisque l'objectif d'intégrer un nouveau sport aux Jeux ne serait pas atteint. «Cela laisserait un goût amer dans la bouche des fédérations qui souhaitent intégrer les Jeux», explique Walter Sieber, membre de la Commission du programme des Jeux.

Le nouveau président du CIO devra se pencher sur ce problème. Une solution semble se dessiner: ajouter un sport sans augmenter le nombre d'athlètes, qui atteindra près de 11 000 à Rio. Pour cela, il faudra diminuer le nombre de concurrents dans certaines disciplines.

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Après l'immense succès des Jeux de Vancouver en 2010 et ceux de Londres en 2012, la réalité a rattrapé le CIO.

D'abord, la facture de 50 milliards des Jeux de Sotchi, en février prochain, illustre le dérapage des coûts liés à la présentation des Jeux. Cette surenchère laisse des traces.

Ce n'est pas un hasard si l'Italie a retiré sa candidature pour les Jeux d'été de 2020, ou si les électeurs suisses ont repoussé l'idée d'organiser les Jeux d'hiver de 2022, ou si aucune ville canadienne ne tentera l'aventure olympique dans un avenir prévisible. Le budget, et l'impact sur l'environnement font frémir.

Ensuite, les manifestations du printemps dernier au Brésil, où les dépenses somptuaires liées à la présentation de la Coupe du monde de football de 2014 ont été dénoncées, interpellent le CIO. Les Jeux d'été de 2016 seront présentés à Rio et la facture, déjà salée, grimpera encore en raison des retards importants dans les travaux.

Enfin, la loi attaquant les droits des homosexuels en Russie place le CIO dans l'embarras. Les Jeux de Sotchi se tiendront dans un pays où l'on autorise la discrimination envers une partie de la population.

Le successeur de Jacques Rogge ne manquera pas de boulot.