Sur la tribune, il était évident que Pauline Marois avait envie d'être là. Ce discours, ce n'était pas tout à fait une obligation de première ministre comme une autre. Sa verve en était la preuve.

C'était hier, au lancement du 23e congrès du Réseau des soins palliatifs du Québec, au Palais des congrès.

La première ministre y a évoqué le travail exceptionnel fait au Québec par les professionnels et bénévoles de ce milieu, dans les 29 maisons de soins palliatifs, dans les hôpitaux et dans les résidences privées des Québécois.

Elle a évoqué l'unanimité parlementaire qui a accueilli, il y a deux ans, les recommandations de la commission Mourir dans la dignité.

Elle a évoqué le décès de sa propre belle-mère, chez elle, «dans son lit», en disant être convaincue qu'écouler ses derniers jours chez soi «est la meilleure option, quand c'est possible.»

Puis, Mme Marois a annoncé l'injection de 15 millions de dollars en financement récurrent pour les soins palliatifs, dont 11 millions pour les soins à domicile (le reste étant consacré aux «lits dédiés» dans les hôpitaux, CHSLD et maisons de soins palliatifs.

Au-delà des annonces, la seule présence de Mme Marois hier sur cette tribune envoyait un signal limpide: à l'aube du dépôt d'un projet de loi sur la fin de vie, elle considère que ce projet de loi n'est pas tout à fait comme les autres.

C'est la question du suicide assisté qui a monopolisé les débats, dans la foulée du rapport de la commission Mourir dans la dignité, publié après des mois de consultation partout au Québec et ailleurs dans le monde.

C'est normal. Peu de sociétés en Occident permettent l'aide au suicide pour les personnes atteintes de maladies incurables. Ces débats mêlent loi, science, éthique, morale, religion et émotions humaines. Ils sont autrement plus lourds, disons, que celui sur la couleur de la margarine.

Mais la moitié des recommandations de la Commission touchait la bonification des soins palliatifs québécois. Cet aspect a été occulté dans l'accueil du rapport. Il est pourtant capital dans toute l'organisation des soins touchant les mourants.

Si frappantes soient-elles pour l'imaginaire, les méthodes d'aide au suicide restent une exception, dans les sociétés où elles sont permises. Dans les États de Washington et de l'Oregon, par exemple, moins de 100 personnes ont choisi en 2009 d'avaler le cocktail mortel prescrit par un médecin, après un protocole de sélection strict et rigoureux. Une goutte d'eau dans l'océan des malades admissibles.

Traduction: l'immense majorité des personnes condamnées par une maladie incurable en phase terminale choisissent d'aller au bout de la vie, de mourir le plus tard possible.

D'où l'importance de développer ces soins palliatifs. Comme m'a dit le Dr David Lussier, gériatre à l'Institut universitaire de gériatrie de Montréal: «Il faut mettre plus d'emphase sur l'accès aux soins palliatifs, et la formation des médecins et autres professionnels dans ce domaine. En diminuant la souffrance morale et physique, on diminuerait probablement le recours au suicide assisté.»

En ce sens, les mesures annoncées hier par Pauline Marois sont un pas dans la bonne direction. Le premier pas pour combler en trois ans les besoins - immenses - de la province en matière de soins de fin de vie, a affirmé hier Véronique Hivon, ministre déléguée aux Services sociaux.

Avant la fin de juin, le gouvernement Marois déposera le projet de loi qui mettra en place des balises qui permettront aux Québécois atteints d'une maladie grave et incurable de mettre fin à leurs jours, avec l'aide du système de santé, s'ils le désirent.

Ce sera, selon les mots d'Hélène Bolduc, présidente de l'Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité au moment de recevoir le Prix 2013 de la Fondation humaniste du Québec, en mars dernier: «La conquête de cette ultime liberté.»

Mais le rapport de la Commission était clair: pas question de forcer des médecins à poser des gestes qui vont provoquer la mort. Le projet de loi consacrera assurément cette objection de conscience.

Mais qu'en est-il des établissements? Ont-ils le droit à cette objection de conscience des médecins?

La Maison Michel-Sarrazin de Québec fut le premier établissement de soins palliatifs au Canada. Et sa position est claire: il n'y aura pas de suicide assisté à l'intérieur de ses murs, qu'importe le nouveau cadre législatif. «La mort n'est pas un droit, c'est un fait inéluctable et terrible», considère l'établissement.

Dans le réel, ça veut dire qu'un Québécois hébergé à la Maison Michel-Sarrazin, et qui choisirait d'en finir au moment de son choix, pourrait être privé de ce droit.

Comment démêler ce délicat dilemme éthique et juridique? Comment départager où finit l'objection de conscience des établissements et les droits des Québécois?

J'ai posé la question à Mme Hivon, hier. Elle préfère attendre le dépôt du projet de loi avant de commenter des cas particuliers.

Mais la position de la Maison Michel-Sarrazin montre que même après l'adoption du projet de loi novateur que prépare Québec, des tensions subsisteront entre ceux qui voient la mort comme une ultime liberté à conquérir et ceux qui la considèrent comme n'étant pas un droit, mais un fait inéluctable et terrible.

Pour joindre notre chroniqueur: plagace@lapresse.ca