Les femmes ont-elles assez d'ambition? C'était une fichue de bonne question que Marie-France Bazzo a posée aux invitées de sa dernière émission de la saison. Une question d'actualité née de la parution de Lean In, Women, Work and the Will to Lead, un livre qui fait sensation aux États-Unis. Écrit par Sheryl Sandberg, directrice générale de Facebook, le livre aborde très franchement les doutes et les insécurités qui minent les femmes et les empêchent de monter dans la société et le champ professionnel.

«On se retient de grande et petite manière, écrit Sandberg, en manquant de confiance en nous, en ne levant pas notre main et en se retirant [de la table] au lieu de prendre notre place.»

C'était une fichue de bonne question que posait Bazzo sur la responsabilité personnelle des femmes face au pouvoir et à l'ambition. Mais les invitées n'avaient pas lu le bouquin de Sandberg et se sont donc évertuées à esquiver la question. «Le vrai problème, a lancé Monique Simard, c'est la pression de la perfection que les femmes s'imposent.» Peut-être, mais là n'était pas la question...

Assise dans mon salon, je rageais de voir ces commentatrices rater une belle occasion de faire un examen de conscience et de réfléchir aux limites que les femmes s'imposent elles-mêmes par manque de confiance, par peur du risque ou par culpabilité. Après tout, le Québec n'est pas exactement distinct à cet égard. Il y a aussi peu de femmes aux conseils d'administration et dans des postes de pouvoir, chez nous qu'ailleurs. Or par sa prise de position sur le manque d'ambition des femmes, Sheryl Sandberg soulève une question rarement explorée et ma foi, assez rafraîchissante, qui mériterait un débat sérieux chez nous.

Les détracteurs seraient probablement aussi nombreux, voire nombreuses, ici qu'aux États-Unis. Dès la parution de Lean In en mars, plusieurs Américaines en vue ont en effet exprimé de vives réserves, reprochant à Sandberg sa richesse (elle vaut 500 millions), sa maison de 9000 pieds carrés, ses domestiques, ses tenues Prada et ses diplômes de Harvard. Elles ont plaidé qu'une femme aussi privilégiée est nécessairement déconnectée de la réalité des femmes ordinaires. D'autres ont reproché à Sandberg de culpabiliser les femmes et du même coup de déresponsabiliser les entreprises et les gouvernements, dédouanés de toute mesure corrective puisque suivant la logique de Sandberg, le frein à l'ambition vient des femmes elles-mêmes et non pas du système.

Ces critiques sont légitimes et pertinentes, mais elles n'invalident pas pour autant la réflexion de Sandberg. Après tout, ce n'est pas parce qu'elle est riche qu'elle est stupide ni qu'elle ment quand elle nous raconte comment depuis le début de sa carrière, elle a manqué d'estime et d'assurance, y compris pour négocier son contrat avec Facebook. Sandberg voulait tellement le poste qu'elle allait accepter l'offre de Mark Zuckerberg sans même négocier. Il a fallu que son mari lui rappelle qu'aucun homme n'aurait agi ainsi pour que Sandberg prenne le risque de refuser la première offre de son futur patron.

Selon The Atlantic, Sandberg néglige un point important: le passage des femmes du monde universitaire, où elles dominent, au monde du travail où elles se font dépasser par les hommes. Pourquoi? Parce que le monde universitaire s'est affranchi du sexisme, contrairement au monde du travail qui tarde encore à le faire. Autre raison: les femmes fonctionnent trop au mérite.

«Les jeunes femmes mettent un temps fou à comprendre que le champ professionnel est moins une méritocratie que le monde universitaire, et que les stratégies qui mènent au succès dans un champ ne sont pas les mêmes pour l'autre», écrit la journaliste de l'Atlantic.

C'est effectivement un point important sur lequel Sheryl Sandberg ne s'attarde pas vraiment. Et puis après? Elle n'a peut-être pas tout couvert, mais l'essentiel est là.

Qu'on soit d'accord ou non, il y a quelque chose de très inspirant dans la franchise de cette femme qui n'a pas peur d'exposer ses doutes et ses failles. Ses leçons concrètes fouettent l'ego et donnent de l'élan. Pas besoin de valoir 500 millions ou de porter du Prada pour les comprendre.

ON EN PARLE TROP

La Voix. Même s'il y a 2,8 millions de Québécois qui suivent la nouvelle vache à lait de TVA, il existe des êtres humains sur le territoire qui non seulement ne regardent pas ce marathon vocal, mais qui s'en fichent royalement. Parole de dieu, ces gens-là existent et méritent qu'on les laisse en paix.

ON N'EN PARLE PAS ASSEZ

Le fonds Claude Robinson est à sec. Lancé en 2002 pour soutenir le créateur, le fonds est devenu un mouvement citoyen en 2010 en recueillant plus de 450 000$. Mais les préparatifs pour l'audition en Cour suprême ont vidé ses coffres. Robinson, qui se bat depuis 18 ans, a besoin de votre aide. Pour plus d'info: clauderobinson.org.