Coderre maire. L'opposition, elle, est en partie décapitée. Mauvaise nouvelle pour Montréal. Ce n'est jamais bon pour une ville de se retrouver avec une opposition désorganisée, surtout dans le contexte actuel. Montréal n'a jamais eu autant besoin de chiens de garde.

Les chefs Marcel Côté et Mélanie Joly ne siégeront pas au conseil municipal parce que leurs colistiers ont été battus. Richard Bergeron, lui, attendait toujours le verdict au moment de mettre sous presse.

Si Richard Bergeron ne siège pas, Denis Coderre n'aura pas affaire à forte partie. Qui va lui poser des questions corsées au conseil municipal? Qui va remettre en question une décision controversée, un contrat douteux ou une hausse de taxes trop salée?

Hier soir, quand je voyais les résultats défiler, j'ai eu une pensée pour Richard Bergeron qui rame dans l'opposition depuis huit ans. Il a créé de toutes pièces Projet Montréal autour de sa table de cuisine et il l'a tenu à bout de bras pendant 10 ans. Je l'ai vu talonner Gérald Tremblay sur des dossiers scandaleux, comme les compteurs d'eau et le Faubourg Contrecoeur.

Hier, il s'est fait chauffer par une météorite sortie de nulle part, Mélanie Joly. Au printemps, elle a atterri sur la planète Montréal, jeune, jolie, fraîche, les mains propres, des mains qui n'avaient jamais sué pour Montréal. Plusieurs électeurs ont craqué pour elle, boudant Richard Bergeron, un homme honnête et intègre qui a travaillé d'arrache-pied pendant huit ans.

La politique peut être tellement ingrate.

Bergeron connaît le fonctionnement du conseil municipal par coeur, il connaît la ville sur le bout des doigts. Denis Coderre aurait du fil à retordre avec lui.

Bergeron restera-t-il chef de Projet Montréal même s'il a réussi à faire élire 22 conseillers, une belle victoire? Va-t-il démissionner? Quand je l'ai suivi pendant la campagne électorale, il m'a dit qu'il n'en pouvait plus d'être dans l'opposition. Il trouvait ça «hyper mégafrustrant».

Mélanie Joly va-t-elle tenir son parti en vie pendant quatre ans? Ou profitera-t-elle de sa nouvelle notoriété pour tenter sa chance au provincial ou au fédéral? Même constat pour Marcel Côté qui a déjà dit à mots couverts que ça ne l'intéressait pas de moisir dans l'opposition. Tout ce qu'il voulait, c'était devenir maire et faire le grand ménage. Le rôle ingrat de l'opposition? Très peu pour lui.

Et Louise Harel qui a joué un rôle de second plan pendant la campagne pour laisser la place à Marcel Côté? Battue, probablement. Elle aussi. Décidément, les Montréalais ont été très sévères avec l'opposition. Pourquoi? J'en perds mon latin.

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La victoire de Denis Coderre est très courte: 27 conseillers élus. Projet Montréal en a 22. Coderre n'a pas la majorité. Mais la fidélité au parti est fragile au municipal. Les politiciens changent de parti comme ils changent de chemise.

Le maire a la main haute sur une trentaine de nominations: membres du comité exécutif, présidents et vice-présidents de commission, conseillers associés.

Plusieurs élus accepteront probablement de quitter l'opposition pour rejoindre les rangs de Coderre en échange d'un poste qui arrondira leur salaire de conseiller. Coderre n'aura donc pas à discuter avec l'opposition pour faire adopter ses règlements ou son budget. On n'est pas au provincial, où le changement d'allégeance crée tout un brouhaha.

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La Ville est plus éclatée que jamais. Les arrondissements sont déjà très décentralisés et ils font chacun à leur tête. Personne n'a voulu en parler pendant la campagne électorale. Le sujet n'était pas assez sexy. Montréal va donc rester empêtré dans son salmigondis de structures.

Hier soir, un nouveau phénomène a émergé: l'élection de quatre équipes indépendantes à Lachine, LaSalle, Outremont et Anjou. Toutes dirigées par d'anciens d'Union Montréal, parti de Gérald Tremblay. Ils ont préféré faire cavalier seul. Ces arrondissements ont un autre point en commun: ce sont d'anciennes villes de banlieue. On assiste à un repli, comme si ces arrondissements tournaient le dos à Montréal et préféraient défendre leur petit carré de terrain. Décourageant.

Ils ne sont pas les seuls survivants d'Union Montréal qui ont été réélus. De grosses pointures qui avaient rejoint Coderre ont gagné haut la main: Alan DeSousa et Michel Bissonnet, même si ses liens étroits avec la famille Catania et des entrepreneurs nommés devant la commission Charbonneau ont été étalés dans les journaux. Tous des gens qui détenaient un poste important sous Gérald Tremblay. Des gens qui n'ont rien vu, rien dit pendant des années et qui se sont empressés de quitter le navire quand Gérald Tremblay a démissionné. Denis Coderrre les a accueillis à bras ouverts.

Les Montréalais n'ont donc rien retenu des leçons de la commission Charbonneau?