Chouchou des chasseurs de tendances des années 90, la grande Faith Popcorn, celle qui a prédit l'actuel tsunami de nostalgie et inventé il y a 20 ans le mot « cocooning » - pour le plus grand bien de tous ceux qui ont investi dans les Réno-Dépôt de ce monde - continue de conseiller les grandes entreprises sur l'avenir de nos marchés de consommation.

J'ai joint l'auteure du best-seller des années 90 Le rapport Popcorn à New York il y a quelques jours, à son entreprise BrainReserve. Je voulais savoir ce qu'elle pensait de ce qui arrive aux baby-boomers, cet important groupe démographique qui a commencé à atteindre les 70 ans le 1er janvier cette année, groupe dont elle fait elle-même partie à 68 ans, dont tout le monde parlait abondamment il y a 40 ans, 30 ans, mais qui semble avoir disparu des écrans radars des gens de publicité et de marketing.

« Je sais, c'est un marché immense, inexploité, a-t-elle répondu d'emblée. Pourtant, la population de 65 ans et plus doit doubler à 71,5 millions d'ici à 2030... Les Américains vivent trois décennies de plus en moyenne qu'il y a 100 ans. Chaque année, l'espérance de vie croît de trois mois. Et leur pouvoir d'achat demeure immense. Ils contrôlent 63 % des avoirs financiers américains et dépensent 3200 milliards de dollars annuellement. »

C'est étonnant, continue l'analyste, personne ne leur parle. On n'en a que pour les milléniaux, la génération Y.

« Ils sont négligés. Les gens de marketing et les marques se disent : ‟Eh, ce sont juste de vieux hippies." Mais en fait, c'est un groupe très diversifié qui se réinvente sans arrêt. » - Faith Popcorn

Selon Faith Popcorn, il y a d'immenses occasions d'affaires pour les marques qui choisissent de s'adresser aux baby-boomers et de répondre à leurs besoins. Certaines commencent à le faire, comme L'Oréal, qui vient tout juste d'embaucher Susan Sarandon, une actrice de 69 ans, comme visage publicitaire.

Mais d'abord et avant tout, il faut comprendre cette génération, note la consultante. Ce n'est pas un bloc homogène, et certes les baby-boomers vieillissent, mais ils vieillissent totalement différemment de leurs parents et de leurs grands-parents. Leurs besoins, leurs désirs, leurs goûts sont les leurs.

D'abord, même s'ils sont à la retraite, ça ne veut surtout pas dire qu'ils sont scotchés à la maison pour faire des mots croisés. « Il y a deux fois plus de chances qu'un baby-boomer lance une nouvelle entreprise qu'un jeune confrère de la génération Y », affirme-t-elle. Les boomers sont les spécialistes de la deuxième et de la troisième carrière, parfois totalement différentes les unes des autres. Donc ils cherchent constamment de la formation, des conseils. Ils repartent à zéro, mais avec leur expérience.

Ensuite les boomers sont actifs physiquement et sexuellement ! Leur vie amoureuse continue, ce qui veut dire qu'ils veulent rencontrer des gens, ils veulent séduire. Ils sont très actifs sur les sites de rencontre. Aussi, vêtements, bijoux, maquillage, soins en santé et en esthétique en tous genres, voyages, bars, restos... Tout ça les intéresse encore. On est loin des stéréotypes de l'âge d'or de jadis, aux antipodes de toute envie de charmer.

« Les boomers ne veulent pas avoir 25 ans de nouveau. Ils veulent avoir 70 ans de la meilleure façon possible », affirme Mme Popcorn.

Et puis la réalité, c'est qu'ils ne sont pas si différents de leurs enfants, les Y. Ils font attention à leur santé et aiment ce qui est frais et naturel. Ils connaissent la technologie et savent se servir d'un ordinateur et d'un téléphone intelligent. Et même s'ils peuvent avoir besoin d'aide à cet égard, ils veulent se servir de la techno. Ils ne lui tournent surtout pas le dos. Ils veulent aussi profiter de l'instantanéité et de la personnalisation que peut procurer l'informatisation de tout. Ils ne sont peut-être pas sur SnapChat ou Instagram, mais sur Facebook, oui, et ils parlent à leurs petits-enfants par Skype ou FaceTime.

Et qui, parmi les baby-boomers, mène le bal ? Les femmes, répond Mme Popcorn, qui fut une des premières à parler de l'importance des femmes comme preneuses de décisions de consommation au sein des ménages.

« Les femmes [américaines] sont très bien nanties et très influentes. Durant la prochaine décennie, leur richesse va grimper à 40 000 milliards. Le nombre de femmes riches qui investissent dans les entreprises augmente plus rapidement que celui des hommes. » - Faith Popcorn

En outre, poursuit Mme Popcorn, les femmes entrepreneurs ont de plus en plus de succès. On ne cesse d'observer l'arrivée sur le marché, dit-elle, de femmes entrepreneurs dont les profits avant impôt sont plus élevés que ceux de leurs collègues masculins. « Ce sont d'importantes actrices dans le monde financier. »

Bref, bravo les Y, mais à qui la chance avec les boomers version 2016. « Ignorer ce groupe incroyable, résume Mme Popcorn, est une grave erreur. »