Toute la semaine, notre chroniqueuse Marie-Claude Lortie présente des entrepreneurs québécois qui ont tenté leur chance en Europe.

Au départ, Laura Vidal, Lavalloise de 31 ans, est sommelière. C'est le légendaire Don-Jean Léandri qui lui a tout appris avant qu'elle ne parte travailler dans des restaurants montréalais comme Le Club Chasse et Pêche ou le Leméac.

Mais Laura a aussi fait des études de commerce à l'Université McGill.

Pas étonnant qu'aujourd'hui elle ait fondé avec deux autres partenaires sa propre entreprise, une boîte de restauration roulante, conçue à Paris, établie à Londres et à Barcelone, qui se balade dans le monde pour installer des restaurants temporaires dans des lieux choisis.

C'est à Arles, au Nord Pinus, un hôtel mythique qui a accueilli les Cocteau, Picasso et Hemingway de ce monde, sur la place immortalisée par le tableau Terrasse du café le soir de Van Gogh, que Laura nous rencontre. Elle est tombée endormie en attendant notre rendez-vous. Épuisée. « C'est ça, démarrer une entreprise ! »

Laura, explique-t-elle, travaille tout le temps. L'hôtel, qui n'a pas de service de restauration permanent, a embauché son équipe de juin à septembre pour servir à manger au rez-de-chaussée et sur la terrasse. C'est aussi Laura et les siens qui s'occupent du bar et des cocktails.

« On a commencé avec cinq personnes en cuisine et quatre au service pour 300 couverts par jour, midi et soir, cinq jours par semaine. »

Ouf.

Laura, dont la mère est française - ce qui lui a donné la double nationalité -, a quitté le Québec en 2010. Elle est alors partie à Paris travailler au Frenchie, un bar à vin réputé où elle a fait la connaissance du Britannique qui allait devenir son mari et son associé, Harry Cummins.

Quand ils ont choisi de se lancer en affaires, la question s'est tout de suite posée : où nous installons-nous ? Et c'est Londres qu'ils ont choisi officiellement, grâce aux avantages et à la facilité qu'elle offre aux entreprises étrangères, et parce que c'est là que s'est réalisé le premier projet.

Concrètement toutefois, la société Paris Pop Up est établie à Barcelone, puisque c'est dans cette vie catalane que le couple, qui en aime l'atmosphère et les bas prix, vit quand il n'est pas parti piloter un projet au Maroc, au Japon ou au Québec.

S'installer en Europe pour lancer une entreprise est très différent d'un pays à l'autre, explique Laura. Au Royaume-Uni, les premières démarches sont simples. En France, il y a les fameuses « charges sociales » qui reviennent toujours dans la discussion. « C'est un gros challenge. C'est cher et c'est extrêmement compliqué. Si je te paie 1500 euros, ça me coûte 3000 euros. Et les employés sont très au courant de leurs droits ! »

Aussi, de façon générale, la bureaucratie met beaucoup de bâtons dans les roues aux entrepreneurs. « Il ne faut jamais accepter un non », dit Laura Vidal. Pour faire des démarches qui prennent une journée au Québec, il faut compter 30 jours en France, dit-elle. « Il faut être patient, se blinder, tout est une bataille. »

En revanche, pour toute personne qui s'intéresse au vin, c'est le paradis. « Il n'y a pas de monopole. Le marché est plus grand. Je ne pourrais pas faire ce que je fais au Québec. »

Parce qu'une bonne partie de l'expérience que propose l'équipe du Paris Pop Up repose sur des dégustations de vins naturels originaux et très diversifiés.

Le modèle d'affaires du Paris Pop Up, dont la gestion est assurée par Julie Mitton, une autre exilée de Montréal, varie selon le projet. Parfois, l'équipe loue un espace pour un moment, s'installe et récolte tous les revenus. Ou elle s'installe et partage les revenus avec les propriétaires du lieu, qui ne demandent alors aucun loyer en retour.

Au Nord Pinus cet été, Paris Pop louait l'espace et a même investi dans les équipements en cuisine. Machine à cuisson sous vide, mélangeurs, appareil à glaces... Mais Paris Pop Up avait déjà un carnet de commandes : un projet à Xérès, un autre dans le Piémont, un mois et demi au pays de la truffe... Et un saut au Québec.

PHOTO FOURNIE PAR LAURA VIDAL

Laura Vidal (à gauche) avec son mari Harry Cummins et Julie Mitton. 

LAURA VIDAL EN QUELQUES CHIFFRES

Une entreprise, trois associés Une gérante, une sommelière, un chef

0 Aucun employé permanent. « On bâtit une équipe pour chaque projet. »

1=30 Une journée au Québec = 30 jours en France dans l'univers de la bureaucratie, selon Laura Vidal

15 % Le système de pourboire québécois, au mérite, permet aux clients d'avoir du meilleur service au restaurant, selon Laura Vidal

0 Aucune perte d'argent depuis le lancement de l'entreprise en 2014, même si certains projets ont été plus rentables que d'autres.