Il ne faut pas préjuger de la qualité d'un film par sa seule bande-annonce. Peut-être que Pacific Rim, film d'action qui prendra l'affiche le 12 juillet, est un chef-d'oeuvre de science-fiction dissimulé sous une tonne d'explosifs et de carcasses de robots géants.

Le centième film-catastrophe de l'été met en scène des extraterrestres qui - tenez-vous bien - veulent du mal à la planète bleue, défendue par une armée de Goldorak à mobilité réduite. Je trépigne d'impatience à l'idée de découvrir l'ingéniosité de cette ferraille à l'oeuvre. Oui, j'ironise un peu. Vous me réveillerez quand ce sera fini.

La particularité de ce film hollywoodien pur jus de grenade? Il est signé Guillermo del Toro. Le cinéaste mexicain du Labyrinthe de Pan fait partie d'une panoplie de réalisateurs «issus de cinématographies internationales» à avoir répondu à l'appel des sirènes hollywoodiennes.

Le compatriote de Del Toro, Alfonso Cuaron, l'auteur du charmant Y Tù Mama Tambien, signe une autre bande-annonce bien en vue en ce début d'été: celle de Gravity, un drame de science-fiction (un autre), qui doit prendre l'affiche en octobre. Le film met en vedette George Clooney et Sandra Bullock dans le rôle d'astronautes qui dérivent dans l'espace après l'explosion de leur station spatiale.

Au risque de me répéter, peut-être que Gravity sera le Alien ou le 2001: l'odyssée de l'espace de l'automne 2013. Je pressens qu'il y a de l'extraterrestre dans les environs. Mais disons qu'à la lumière de la bande-annonce, j'ai certains doutes et quelques appréhensions concernant le résultat final (qui ne sont pas seulement liés à la présence au générique de Sandra Bullock).

Le 2 août, l'Islandais Baltasar Kormakur, révélé grâce à 101 Reykjavik, lancera le film d'action 2 Guns, avec Mark Wahlberg et Denzel Washington dans le rôle de deux agents aux identités troubles chargés d'enquêter l'un sur l'autre, ainsi que sur la mafia. De mémoire de cinéphile, on n'a jamais, mais jamais vu ça (oui, j'ironise de nouveau). On est loin de Victoria Abril.

J'oubliais presque l'Allemand Oliver Hirschbiegel qui, après Das Experiment et La chute, film fascinant sur les derniers jours de Hitler, a entre autres réalisé The Invasion, thriller de science-fiction avec Nicole Kidman et Daniel Craig, qui n'a pas exactement laissé, c'est un euphémisme, un souvenir impérissable (20% d'appréciation sur rottentomatoes.com).

En septembre, Hirschbiegel doit récidiver dans la langue de Shakespeare en nous livrant Diana, sur les deux dernières années de la regrettée princesse de Galles, incarnée par Naomi Watts. En espérant que les résultats seront plus probants. On est loin d'Eva Braun.

Ce n'est pas le fait que tous ces projets semblent a priori loin de l'univers (pas seulement géographique) de leurs réalisateurs qui m'inquiète. Un cinéaste n'a pas à se cantonner toute sa carrière au genre de film qui l'a fait connaître. Il peut s'exporter, voyager, découvrir d'autres cultures.

Ce qui m'inquiète, c'est de voir depuis des années des cinéastes de tous les horizons et de tous les recoins de la planète, aux regards singuliers, à la personnalité forte, à la signature distincte - assez pour être remarqués à l'échelle internationale -, se fondre dans la masse du cinéma hollywoodien.

Les exemples, même récents, sont légion. Tom Tykwer, qui est passé de Cours Lola cours au désastreux Cloud Atlas; Florian Henckel von Donnersmarck, qui, après le remarquable La vie des autres, a poursuivi avec le regrettable The Tourist; Walter Salles, le réalisateur de Central do Brasil, qui a proposé récemment une version ô combien édulcorée d'On the Road, etc.

Tous ces cinéastes, une fois entrés dans le cénacle hollywoodien, semblent avoir été avalés par la «maudite machine». Est-il possible pour un cinéaste de conserver sa singularité, celle pour laquelle il a été remarqué, lorsqu'il plonge dans une carrière américaine? Le mode de fonctionnement des grands studios le permet-il seulement?

Conserver sa signature de cinéaste, dans un contexte où l'on n'est plus le véritable capitaine à bord du navire, est certainement un défi. Les réalisateurs, pour s'assurer d'un financement adéquat, sont contraints de faire bien des compromis. Accepter, par exemple, de se faire imposer une tête d'affiche, afin de rassurer les principaux bailleurs de fonds. Le risque encouru étant de dénaturer un projet en le faisant dévier de sa trajectoire.

Les cinéastes étrangers qui se fondent dans le moule hollywoodien font-ils la démonstration d'un autre effet néfaste de la mondialisation? La question, de toute évidence, se pose aussi pour les cinéastes québécois, qui tentent de plus en plus leur chance aux États-Unis.

On a vu des cinéastes québécois comme Yves Simoneau ou Christian Duguay, techniciens redoutables, capables de réaliser un film avec autant de savoir-faire et d'efficacité que d'autres, poursuivre une carrière aux États-Unis ou en France en y sacrifiant une certaine vision d'auteur.

Est-ce ce qui guette des cinéastes comme Ken Scott, qui a réalisé la version américaine de son propre succès Starbuck, ou Jean-Marc Vallée, qui enchaîne les projets américains (Dallas Buyers Club, Demolition)?

Des auteurs comme Philippe Falardeau (The Good Lie) et Denis Villeneuve (Prisoners) auront-ils la marge de manoeuvre nécessaire, dans leurs projets américains respectifs, pour que l'on sente bien leur style, leur signature, leur paternité de ces oeuvres? On le souhaite.

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