L'égalité homme-femme, voilà le beau concept qui sert à justifier la répression des signes religieux contenue dans le projet de charte.

L'égalité? Parlons-en donc...

C'est Françoise David qui a, la première, mis le doigt sur une incongruité de taille: pourquoi les musulmanes portant un foulard seraient-elles seules visées, alors que leurs maris barbus pourraient continuer à travailler dans le secteur public?

Le principal signe distinctif des musulmans ultra-pieux - une barbe longue et fournie - échapperait donc à la vigilance de l'État, tandis que leurs femmes, elles, seraient renvoyées à l'isolement du foyer.

Pour rétablir l'égalité, la simple logique voudrait que tous les symboles qui ne menacent pas l'ordre public soient acceptés, comme ils le sont partout en Amérique du Nord. Mais acceptons la logique bien particulière du PQ, et rétablissons l'égalité à coup d'autres mesures répressives.

Donc, non aux barbes! Il y a toutefois un problème: même si la grosse barbe n'est plus à la mode, il y a quand même quelques baba-cool et des laïcs pour qui c'est un choix esthétique. Il faudra donc séparer le bon grain de l'ivraie. Monsieur, vous laissez-vous pousser la barbe par coquetterie (un choix légitime) ou pour des raisons religieuses (un choix irrecevable)?

Le même tri devrait se faire chez les femmes, car nombreuses sont celles qui cachent leurs cheveux. Il y a les Sénégalaises avec leurs splendides boubous, beaucoup plus flamboyants que l'humble foulard islamique. Il y a la petite madame Tout-le-Monde qui n'a pas eu le temps de se coiffer et décide de se mettre un fichu sur la tête avant d'aller au bureau. Sans compter les rescapées de la chimiothérapie... Madame, portez-vous ce foulard par coquetterie? Pour une raison médicale? Bon, ça va. Pour une raison religieuse? Inacceptable!

Pour les musulmanes, l'interrogatoire pourrait être plus poussé. Il faudrait en connaître davantage sur leurs motivations, et savoir si la dame porte son foulard pour afficher sa soumission à son mari ou bien à Dieu. Dans le premier cas, c'est la porte. Dans le second, c'est moins grave puisque Dieu n'est pas un mâle mais une entité abstraite. Celle-là, à la rigueur, on pourrait lui laisser un poste à temps partiel.

La charte interdira également le port de la kippa et du turban sikh dans le secteur public. Dans ce cas-ci, autre accroc au principe de l'égalité, ce sont les hommes qui paieront la note. Dans la logique péquiste, il faudra soumettre les juives à la même loi. Les juives ultra-pieuses, en effet, se font raser la tête une fois mariées. La perruque sera donc un objet suspect. Mais comment rétablir l'égalité entre les hommes et les femmes sikhs? Et que faire des hindous qui affichent au beau milieu du front le tilak rouge qui symbolise le dieu Shiva?

Autre problème: les pendentifs. Le Québec revu et corrigé par le PQ tolérera qu'un fonctionnaire porte au cou une tête de mort, une queue de lapin, un serpent tatoué ou un collier de chien, mais on interdira les pendentifs à connotation religieuse. Que faire de la fonctionnaire qui cacherait son étoile de David, son croissant ou sa croix sous son chandail? Et si ses mouvements faisaient bouger le textile, laissant apparaître l'objet incriminant?

Que de problèmes en perspective! Mais rassurons-nous. Mme Marois vient d'affirmer suavement que les femmes pieuses seront «accompagnées» dans leur démarche, histoire de les aider à modifier leurs conceptions religieuses et à choisir entre leur voile et leur emploi.

Mais au fait, plutôt que de mobiliser des contingents de psychothéologiens pour «accompagner» ces pauvres égarées, ne serait-il pas plus simple d'ouvrir des camps de rééducation?