Le Québec sera l'un des grands champs de bataille de la prochaine élection fédérale. Les libéraux pourront-ils regagner le terrain perdu? Le NPD conservera-t-il ses acquis de la dernière élection? Le Bloc renaîtra-t-il de ses cendres? Lequel, de trois chefs québécois, remportera-t-il la mise?

Pour l'instant, j'exclus les conservateurs de l'équation. Stephen Harper a fait tout ce qu'il pouvait pour amadouer le Québec, sans guère de résultat. Nombre de Québécois sont réfractaires tant à sa personnalité qu'à ses politiques. On voit mal comment son parti pourrait améliorer sa position.

Le NPD a fait son aggiornamento - timidement, et avec 25 ans de retard sur tous les autres partis socialistes européens (à l'exception du PS français).

Grosse nouvelle, son dernier congrès a décidé d'éliminer le mot «socialiste» du préambule de sa constitution! Un fort contingent de 188 délégués a vu là une trahison... tandis que dans l'autre camp, on se succédait au micro pour proclamer que ce changement de vocabulaire ne signifiait rien et que le NPD restait tel qu'il était!

Une fois effectué ce léger nettoyage sémantique, et bien que les résolutions sorties d'un congrès soigneusement encadré par la direction du parti ne contiennent guère de matière à controverse, le NPD restera effectivement ce qu'il était: collé sur les syndicats comme si ceux-ci n'avaient que l'intérêt public en tête, congénitalement allergique au libre-échange, reprenant à propos de l'Europe ses anciennes objections à l'ALENA, sceptique vis-à-vis de l'entreprise privée (celle qui pourtant crée des emplois), nostalgique des grands programmes sociaux centralisés... les délégués continuant, dans la bonne vieille tradition du CCF, à s'appeler brothers and sisters (une habitude que leurs nouvelles recrues francophones se sont heureusement abstenues d'imiter).

Sous l'impulsion du libéral que fut naguère Thomas Mulcair, l'élimination de la référence au socialisme visait, on le sait, à rapprocher le parti du centre où se tient la majorité des électeurs. Ce à quoi Stéphane Dion a finement répliqué, dans une interview à RDI: «Le NPD veut être au centre, mais nous, nous sommes au centre!».

Les néophytes de 2011, ces «députés instantanés» élus à leur propre surprise sur la vague orange, ne se sont pas imposés dans le paysage québécois, c'est le moins qu'on puisse dire. Les seuls qu'on entende régulièrement à la radio sont Alexandre Boulerice, la plus solide recrue de la vague orange, et Hélène Laverdière, que ses difficultés d'expression, surprenantes chez une ancienne diplomate, empêchent de s'imposer.

À supposer que le Parti libéral ou le Bloc soient capables d'attirer quelques candidats de qualité (ce qui n'est pas donné), la forteresse néo-démocrate pourrait être menacée.

Restent les leaders. M. Mulcair aura à son crédit l'expérience d'un vieux routier, et une crédibilité bien supérieure, comme premier ministre potentiel, à celle de Justin Trudeau.

Mais face à un jeune homme qui plaît et qui joue à merveille la carte de la convivialité, le chef néo-démocrate aura fort à faire pour se faire aimer. Le parti aura beau tenter d'humaniser l'image de son chef à coup de vidéos sur sa vie familiale, l'homme a l'air grinçant même quand il sourit.

Si Justin Trudeau réussit à se faire prendre au sérieux (cela non plus n'est pas donné), il pourrait franchir le mur de l'indifférence, surtout chez ceux, jeunes et moins jeunes, qui en ont marre des politiciens traditionnels et pourraient être séduits par ce politicien non conformiste. Quant à Daniel Paillé du Bloc, pour l'instant du moins, il ne compte pas dans la balance.

Mais il reste deux ans avant les prochaines élections...