Ç'aurait été bien qu'une femme rafle, pour la première fois en quatre saisons, les grands honneurs de la téléréalité Les chefs! de Radio-Canada. Ç'aurait cependant été ridicule de faire gagner une femme uniquement parce que c'est une femme.

Hier soir, c'est Jérôme Rouault, 28 ans, qui a été le meilleur des finalistes. Et de loin. Rendu au plat principal, une longe d'agneau de Kamouraska, c'était déjà clair que Jérôme allait éclipser sa rivale Isabelle Deschamps-Plante, 30 ans. D'abord, le menu complexe élaboré par Jérôme a frisé la perfection, a commenté le juge Normand Laprise après l'annonce de sa victoire. Et encore une fois, Jérôme a fait preuve d'un calme olympien et a démontré sa grande maîtrise de toutes les techniques culinaires imaginables.

Natif d'un petit village de Normandie, Jérôme est débarqué à Montréal il y a 18 mois. Il y a suivi sa copine agente de bord et travaille actuellement comme sous-chef à la Maison Boulud, un restaurant chic qui loge dans le luxueux hôtel Ritz-Carlton, à Montréal. En France, Jérôme a aussi bossé aux bonnes adresses étoilées: Bristol, Ritz, George V, etc.

Premier champion des Chefs! à ne pas être originaire de la ville de Québec, Jérôme Rouault ajoute donc son nom à ceux de Guillaume Cantin (2010), Guillaume St-Pierre (2011) et Dominic Jacques (2012), qui sont tous les trois passés par les cuisines du restaurant Panache de l'Auberge Saint-Antoine, dans le Vieux-Québec. Jérôme a empoché hier une cagnotte évaluée à 50 000$.

«L'argent, on va le bloquer et le mettre dans un compte», a confié le vainqueur dans une entrevue accordée quelques minutes après son couronnement. Au petit écran comme dans la vie, Jérôme Rouault est plutôt timide et réservé. «Mais à l'intérieur, il se passe beaucoup de choses», précise-t-il.

Sa pire gaffe aux Chefs? «Le flétan», répond Jérôme sans hésiter. Son meilleur coup? Le repas de la finale, enchaîne-t-il.

Si la soirée de Jérôme a été nickel, hier, celle de sa collègue a été plus raboteuse. Isabelle a raté la pieuvre grillée de son plat principal (un échec total, selon Pasquale Vari) et son crémeux au chocolat blanc caramélisé s'est liquéfié dans les assiettes des convives.

J'ai bien aimé le sourire, l'empathie, la compassion, le calme et le positivisme d'Isabelle pendant les 12 semaines de compétition. Si vous voulez la saluer, elle oeuvre au restaurant 47e Parallèle, rue Saint-Amable, dans le Vieux-Québec.

Isabelle a été une battante. Une battante fort attachante. Pendant les quatre derniers épisodes, elle a été mise en duel à trois reprises. Et chaque fois, elle a vaincu le stress et sauvé sa peau. Au duel des crêpes flambées, on a clairement vu qu'elle aurait bien voulu aider son compétiteur Olivier, qui en arrachait sérieusement. C'est ce qui fait aussi d'elle une gagnante.

Reste que le parcours de Jérôme a été plus constant, plus lisse. Il n'a été soumis au duel qu'une seule fois et a remporté trois premières places (contre une seule pour Isabelle). Il a été minutieux, concentré et créatif. Il n'a pas volé son titre et en a sué un bon coup pour le décrocher. Jérôme le confirme: il faisait à peu près 40 degrés à l'intérieur des studios où a été tournée cette ultime émission. Voilà pourquoi les visages luisaient autant dans l'atelier. La haute définition (ou la haute démolition, comme l'appellent certains artistes) ne pardonne pas.

Ce fut une quatrième saison des Chefs!, épicée et relevée comme on les aime. Les aspirants-chefs y ont autant apprêté le pissenlit et le canard de Pékin que le boeuf Wagyu. Ils ont abusé de l'écume - l'espuma - qui décorait beaucoup trop souvent leurs assiettes. Ce n'est pas parce que le réputé chef Ferran Adria du restaurant El Bulli le fait que c'est nécessairement appétissant.

Les juges ont été sévères, certes, mais rarement injustes. C'était bien de voir Daniel Vézina, en fin d'épisode, réexpliquer une technique mal exécutée par sa brigade. Les candidats apprenaient des tas de trucs. Et nous aussi à la maison.

L'an prochain, il faudra cependant faire attention aux intégrations publicitaires, qui ont souvent pris une ampleur démesurée. Ce type de financement est nécessaire à la qualité des productions, j'en conviens. Il doit sûrement exister des recettes plus douces pour mieux nous les faire avaler. Du yogourt grec ou de la bière en fût, c'est bien bon, mais à petite dose. Comme de l'écume, finalement.