À l'image de la course aux séries, la course aux différents trophées individuels est corsée dans plusieurs catégories cette année. Le fait que le Canadien et les Islanders ont fait mentir bien des observateurs et que les Blue Jackets sont en voie de surprendre également mène à la promotion de la candidature de joueurs et d'entraîneurs qu'on n'attendait pas vraiment. Inversement, des déceptions ont écarté des candidats de premier plan. C'est ça, la beauté du sport. Au-delà des prédictions les plus savantes et les mieux calculées, c'est bien souvent la somme des impondérables qui fait la différence entre la victoire et la défaite, qui détermine le classement final et qui propulse un joueur au sommet de la Ligue plutôt qu'un autre.

Voici donc le portrait fidèle du bulletin de vote que je soumettrai à la LNH dans le cadre des courses aux trophées Hart, Norris, Calder, Frank Selke, Lady Byng et Bill Masterton. Parce que c'est dans ma nature, je ne mêlerai pas de mes affaires et proposerai aussi des candidats pour les trophées Vézina et Jack Adams, qui sont respectivement décernés par les directeurs généraux, et des descripteurs et analystes des médias électroniques.

TROPHÉE HART

John Tavares

Si le Canadien a pris la LNH par surprise cet hiver, les Islanders ont surpris encore plus. Et leurs succès sont attribuables en grande partie à leur leader John Tavares, qui trône tout en haut de mon bulletin de vote. Parce que je n'ai jamais accordé un vote pour le Hart à un joueur dont l'équipe n'est pas en séries, j'attends de voir si les Blue Jackets y accéderont. S'ils y arrivent, Sergei Bobrovsky sera mon deuxième candidat. Sinon, il sera rayé et devra se «contenter» du trophée Vézina. Sidney Crosby? S'il n'avait pas été blessé, il aurait sans doute gagné le Hart cette année. Mais le fait que les Penguins ont maintenu leur domination sans lui mine ses chances de victoires à mes yeux. Jonathan Toews et Alexander Ovechkin sont mes 3e et 4e choix dans l'éventualité où Bobrovsky garderait la deuxième place. Antti Niemi serait alors cinquième. Si Bobrovsky est rayé, Crosby sera inséré au cinquième rang.

TROPHÉE NORRIS

Kristopher Letang

Pourquoi et comment écarter P.K. Subban après sa saison sensationnelle? Parce que je considère que Kristopher Letang est meilleur que l'excellent défenseur du Canadien, qui est deuxième sur mon bulletin. Ça vous donne une idée de tout le bien que je pense de Letang, que je considère comme plus solide en défensive, pour le moment, que Subban, qui a, cela dit, fait des pas de géant sous la gouverne de Jean-Jacques Daigneault. Derrière eux, mais pas loin derrière, je place le nom de Ryan Suter, qui a maintenu une moyenne de plus de 27 minutes d'utilisation par match. C'est énorme. Tout comme le différentiel positif de François Beauchemin, que je place au cinquième rang. Je l'admets sans retenue, ce vote accordé à Beauchemin est un vote sentimental afin de souligner une fois encore l'erreur abominable de Bob Gainey et Pierre Gauthier, au profit de Jaroslav Spacek, ont levé le nez sur le défenseur québécois qui était prêt à endosser l'uniforme du Canadien Devant Beauchemin, j'ai accordé ma 4e sélection à Alex Pietrangelo des Blues de St. Louis. Cela dit, le trophée Norris serait demeuré à Ottawa si Erik Karlsson n'avait pas raté deux mois en raison de sa blessure.

PHOTO JASON COHN, REUTERS

Kristopher Letang

TROPHÉE CALDER

Brendan Gallagher

Même en voulant être le plus objectif possible, il est impossible de rester insensible aux performances de Brendan Gallagher. Non seulement il attise l'affection des partisans avec sa fougue et le plaisir qu'il déploie sur la patinoire, mais ce petit diable y a traîné Max Pacioretty et David Desharnais bien plus souvent cet hiver que les deux vétérans l'ont fait. Un exploit qui pèse plus dans la balance que ses statistiques plus qu'intéressantes. Alex Galchenyuk n'est pas loin derrière Gallagher. Et comme il dépassera son coéquipier au fil de leurs carrières, aussi bien récompenser Gallagher tout de suite. Derrière Gallagher, je donne mes votes à Brandon Saad des Blackhawks, Jonathan Huberdeau des Panthers, Justin Schultz des Oilers - son utilisation moyenne de 21: 27 fait contrepoids à son moins -19 -, et Mika Zibanejab des Sénateurs. Un autre choix sentimental...

TROPHÉE FRANK-SELKE

Patrice Bergeron

Si ce trophée a été créé pour honorer Bob Gainey - le joueur et non le directeur général - et tous ceux qui contribuent au succès de leur club dans les deux sens de la patinoire, Patrice Bergeron est le candidat tout désigné pour répéter l'exploit cette année. Bergeron est l'âme des Bruins. Le pivot à l'attaque, l'ancrage en défensive. J'ai des préjugés très favorables à l'endroit de Bergeron. J'en conviens. Mais pas au point de lui préférer les excellents Jonathan Toews, Pascal Dupuis, Pavel Datsyuk et Derek Stepan, qui complètent ma sélection. Dupuis devant Datsyuk? Je sais. Ça surprend. Mais quand on analyse la saison de Dupuis et les deux dernières au cours desquelles il a disputé plus de matchs sans Crosby qu'avec le meilleur joueur de hockey du monde, il serait peut-être temps de reconnaître à ce Québécois toujours effacé le mérite qui lui revient. Je n'ai pas osé donner un vote à Dupuis pour le Hart, mais j'ai hâte de voir si des collègues de Pittsburgh, qui le voient aller soir après soir, auront cette audace.

TROPHÉE LADY BING

Brandon Sutter

Ce n'est pas le trophée préféré des joueurs de la LNH. Mais quand on a les gènes de la famille Sutter, qu'on joue avec fougue et qu'on contribue aux succès des Penguins comme Brandon Sutter y a contribué tout en écopant quatre minutes de pénalité en une saison, il y a de quoi être fier de ce trophée. Au risque de se le faire reprocher par son père, ses oncles et le reste du clan de l'Ouest canadien. Derrière Sutter, Matt Read, qui pourrait ainsi profiter d'une mince consolation après la saison misérable des Flyers à Philadelphie; Logan Couture des Sharks de San Jose, Matt Moulson des Islanders et Jason Pominville, qui est passé des Sabres au Wild du Minnesota au cours de la saison...

TROPHÉE BILL MASTERTON

Steve Bégin

Ce trophée est remis par l'Association des journalistes professionnels de hockey et récompense le joueur qui a affiché le plus de détermination, d'esprit sportif et d'amour pour son sport. Au fil des ans, on a dénaturé ce trophée en le remettant au joueur ayant effectué le plus beau retour après une blessure. D'où la nomination d'Andrei Markov à Montréal. Markov mérite éloges et accolades. C'est évident. Mais Steve Bégin, que tout le monde croyait à la retraite, a profité de son caractère, de son courage, de sa détermination pour maximiser l'occasion offerte par Bob Hartley pour tailler un poste avec les Flames à Calgary, où il ne s'est pas contenté de se faire une place, mais qui a contribué à sa façon tout au long de la saison.

PHOTO SETH WENIG, AP

Brendan Gallagher

TROPHÉE VÉZINA

Sergei Bobrovsky

Les directeurs généraux auront le dernier mot. Mais à mes yeux, ils ont à faire un choix entre Sergei Bobrovsky des Blue Jackets et Evgeni Nabokov des Islanders. Craig Anderson a excellé en début de saison. Mais il n'a pas un nombre de départs suffisants pour voler le trophée aux deux autres. Cory Crawford et Ray Emery forment, et de très loin, le meilleur duo de gardiens de la LNH cette année. Mais ils se sont tellement bien partagé le travail et les succès qu'il est difficile d'en choisir un plutôt que l'autre. Niemi à San Jose, Fleury à Pittsburgh, Rask à Boston, Lundqvist à New York. Tous très bons. Mais à mes yeux, Bobrovsky est devant eux. Carey Price? Son passage à vide dans la dernière ligne droite de la saison devrait l'avoir largué derrière les meneurs.

PHOTO ANDY CLARK, REUTERS

Sergei Bobrovsky

TROPHÉE JACK ADAMS

Michel Therrien

Impossible d'écarter Michel Therrien quand on considère qu'il a fait passer le Canadien de la dernière place dans l'Est au deuxième rang presque toute la saison. Et comme je ne voyais pas le Tricolore en séries, je dois lui reconnaître tout le mérite qui lui revient. Mon vote ne compte pas dans la course au Jack Adams. Et bien que je voterais pour lui, je crois que Therrien sera coiffé au fil par Paul MacLean des Sénateurs d'Ottawa. Le Canadien a fait un bond de géant sous Therrien. C'est vrai. Mais le fait de voir les Sénateurs en séries alors qu'ils ont été privés de leur gardien Craig Anderson, de l'un des meilleurs défenseurs de la LNH en Erik Karlsson, de leur centre numéro un Jason Spezza, du franc-tireur Milan Michalek et du solide défenseur Jared Cowen tient presque de la magie. Derrière Therrien, d'autres coachs qui ont tiré le meilleur de leur club seront aussi oubliés: Jack Capuano (Islanders), Bruce Boudreau (Anaheim), Todd Richards (Columbus), Adam Oates (Washington) et même des Joel Quenneville (Chicago) et Alain Vigneault, qui a jonglé avec la situation explosive des gardiens à Vancouver tout l'hiver, obtiendront des votes, mais pas suffisamment pour devancer Paul MacLean ou peut-être Michel Therrien.

PHOTO : ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Michel Therrien