Lundi soir dernier, le chef de la Coalition avenir Québec lançait son ouvrage sur son projet St-Laurent, Cap sur un Québec gagnant. Mardi matin, un sondage CROP-La Presse nous apprenait que l'appui à la CAQ s'était dangereusement effrité, pour passer de 21% en septembre à 15% en octobre.

Tout est possible en politique. Mais ces résultats indiquent néanmoins que François Legault a été incapable de profiter du contexte de lutte à trois des élections du 4 septembre 2012, quand son parti, avec 27% des voix, talonnait le PQ et le PLQ, avec leurs 32% et 31% respectifs. Depuis, la CAQ a été victime d'une polarisation qui progressivement réduit son espace politique.

Cela nous rappelle à quel point la vie politique peut être cruelle et injuste. François Legault, qui a apporté quelque chose de différent au débat public, méritait mieux, entre autres parce qu'il a fait preuve de courage dans son cheminement.

Il lui fallait du courage pour abandonner le projet souverainiste, en espérant réunir sous une même bannière des gens provenant des deux camps pour travailler au développement du Québec au-delà des divisions constitutionnelles. C'était une rupture risquée avec nos traditions.

Son programme est également courageux. En commençant par sa priorité de l'éducation, ce que presque aucun politicien au Québec n'a osé faire parce qu'il ne s'agit pas d'un thème particulièrement rentable. Ou encore son parti-pris très clair pour Montréal, qui est au coeur de son projet Saint-Laurent, quand on sait que les victoires électorales se font en région où il n'est pas payant de manifester de l'affection pour sa métropole.

Sa politique économique est elle aussi courageuse, dans sa façon de vouloir privilégier le développement plus que ses adversaires, et dans son idéologie inclassable, un mix inusité de réformes administratives assez brutales, associées à la droite, et de dirigisme étatique plutôt à gauche.

Le fait d'écrire un livre nécessite enfin une bonne dose de courage. Ce n'est pas fréquent ici que des politiciens actifs se lancent dans une telle aventure qui comporte un élément de risque. En exposant ses idées en détail, on se met la tête sur le billot. Ce livre, qui comporte des passages particulièrement intéressants sur l'innovation et la qualité de vie, a en outre l'avantage d'illustrer la maîtrise des questions économiques de M. Legault.

Mais ce courage contribue sans doute aussi aux difficultés de François Legault. Tout comme sa difficulté à enflammer les foules, ou encore le fait que l'ombre de l'ADQ plane toujours sur son parti. Mais la CAQ a également été victime de circonstances, en particulier de trois facteurs.

Premièrement, l'arrivée de Philippe Couillard a donné un nouveau souffle aux libéraux, maintenant en tête dans les sondages avec 38%. Le PLQ a manifestement réussi à aller chercher des appuis qui auraient pu aller à la CAQ.

Ensuite, le débat sur la charte des valeurs, qui a sorti le gouvernement Marois des limbes et lui a permis de remonter à 34%. Ce débat place la CAQ dans une situation intenable. M. Legault est forcé d'appuyer plus ou moins la charte pour ne pas perdre ses appuis adéquistes et pour progresser dans l'électorat francophone, mais en ce faisant, il n'arrive plus à se distinguer.

Enfin, paradoxalement, l'impopularité du gouvernement Marois. Avec un taux d'insatisfaction de 61%, une bonne proportion de l'électorat souhaite renverser le gouvernement péquiste aux prochaines élections. Dans le contexte actuel, seul le PLQ peut y parvenir. Cela mène là aussi à une polarisation où un appui à CAQ, au lieu de constituer une alternative, comporte un risque, celui de contribuer à la réélection du PQ.

Ce sont là des tendances très lourdes, qui seront difficiles à renverser.