Son patronyme est célèbre et Hollywood, son jardin: le producteur et réalisateur Roman Coppola, 48 ans, a pourtant galéré pour tourner son dernier film, car l'industrie américaine est «frileuse» et n'aime pas, dit-il, les films «originaux».

«Le manque de soutien pour des films originaux, uniques, est la tendance actuelle aux États-Unis. L'industrie américaine est frileuse. Il faut que chaque film qui se monte fasse écho à un film précédent et encore mieux que celui-ci ait été un succès», déclare à l'AFP depuis Los Angeles le réalisateur, pour expliquer en partie les douze années qui se sont écoulées entre son premier film, C.Q, et A Glimpse Inside the Mind of Charles Swan III (Dans la tête de Charles Swan III).

Il rejoint ainsi le regret récemment exprimé par les tycoons Steven Spielberg et George Lucas qu'Hollywood «ne sache plus produire» les films de jeunes réalisateurs jugés «trop à la marge».

L'argent n'est pas la seule explication. Roman Coppola est un homme orchestre. Ses centres d'intérêt sont multiples: production de films pour sa soeur Sofia et son père Francis Ford, films publicitaires, clips (pour les Strokes, Phoenix, etc.), écriture de scénarios en particulier pour Wes Anderson (Moonrise Kingdom). Il exploite aussi une vigne et a fondé une entreprise montée autour d'une structure gonflable gigantesque pour certains effets spéciaux au cinéma.

Le film de Roman Coppola, aussi joyeux qu'excentrique, ressemble à un télescopage d'idées et d'images rendant hommage à l'univers graphique des années 1970, âge d'or selon lui d'«artistes audacieux et dynamiques» comme Charles White III, qui lui a inspiré le titre du long métrage.

L'acteur Charlie Sheen s'est glissé avec naturel dans le personnage de Charles Swan III, un graphiste quadragénaire réputé et parfaitement immature de Los Angeles, qui vient d'être largué par sa petite amie.

Avec le soutien de ses amis (Bill Murray, impayable en clone de John Wayne, et Jason Schwartzmann) et de sa soeur (Patricia Arquette, excellente), il entreprend un étrange voyage d'introspection, peuplé de cow-boys, d'Indiens, d'amazones et de canapés en forme de hot-dog.

«L'esprit Cassavetes»

«C'est une vraie bénédiction que le budget du film ait été limité. Quand on a moins d'argent, cela oblige à être plus créatif!», assure Coppola.

Et d'expliquer que s'il a été «dur de trouver de l'argent», il a apprécié «d'être libre de faire le film qu'il voulait, sans interférence ou discussions avec des personnes qui n'auraient pas les mêmes opinions».

C'était plutôt «l'esprit Cassavetes sur le tournage», allusion à John Cassavetes, emblématique réalisateur américain, en rupture avec le système hollywoodien dès la fin des années 50.

«On a tourné en partie chez moi et à mon bureau, Charlie Sheen a porté plusieurs de mes vêtements et j'ai engagé des amis et de la famille», détaille Roman Coppola.

Droit dans ses bottes, le réalisateur a aussi choisi Charlie Sheen, pas vraiment en odeur de sainteté à Hollywood en raison de ses nombreuses frasques.

Certes Coppola connaît l'acteur depuis qu'ils ont accompagné, enfants, leurs pères respectifs sur le tournage du mythique Apocalypse Now.

«Charlie était parfait pour le rôle. J'avais besoin d'un acteur charismatique, qui ait du charme, mais aussi l'âge du héros et puis c'est un immense acteur».

A Glimpse Inside the Mind of Charles Swan III n'a «pas été très bien accueilli aux États-Unis, mais j'ai déjà connu cela avec C.Q+, souligne encore Roman Coppola.